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The Jacket de Mathijs Poppe

Publié le 26/03/2025 par Fred Arends / Catégorie: Critique

Une ville mosaïque

Road-movie au tempo lent et aventureux à la fois, le premier long métrage de Mathijs Poppe pose avec acuité un regard sur le Liban d'aujourd'hui et va à la rencontre des habitants de Beyrouth, cité disparate et singulière, terre d'accueil et de résilience pour bon nombre de réfugiés et d'immigrés.

The Jacket de Mathijs Poppe

Comédien dans une troupe de théâtre politique et Palestinien de naissance, Jamal Hindawi vit en exil avec sa famille dans le camp de réfugiés de Chatila à Beyrouth. Précaires, mais toujours passionnés, lui et ses amis répètent une pièce qui aborde la question du lien avec leur pays natal, en l'occurrence la Palestine, et le Liban, leur pays d'accueil. Lorsque Jamal perd une veste, accessoire indispensable de la pièce, il commence un voyage qui va le mener aux quatre coins de Beyrouth et lui faire découvrir une région marquée de plein fouet par  les crises politiques et économiques successives qui ont bouleversé la contrée et ses habitants. La veste du titre, composée de patchs multiformes et colorés, devient évidemment le symbole d'un pays, sous influences multiples,  morcelé politiquement par la profusion des partis qui peinent à trouver une unité nationale, mais aussi celui d'une société faite de multiples couches communautaires de femmes et d'hommes d'horizons variés, composantes éclatées d'une mosaïque pourtant unie par une même destinée. Cette société est de par ses flux migratoires en constante mutation et en évolution permanente. 

Tourné avant les événements actuels à Gaza et les bombardements israéliens sur le pays pour éradiquer le Hezbollah libanais, The Jacket n'en reste pas moins d'une grande actualité par les questions que le film pose sur l'importance de l'appartenance, à sa terre, à sa communauté et à sa famille. Le parcours de Jamal dit la difficulté d'être déraciné, mais aussi la puissance des liens humains entre personnes d'origine différente. The Jacket dit aussi la précarité économique d'un pays soumis aux aléas des fluctuations monétaires où l'on change des devises locales contre des dollars et où le prix de l'essence se négocie sans cesse : la circulation de l'argent est l'un des cœurs du film. Il s'agit pour le réalisateur de montrer un déracinement à l'œuvre comme la fille de Jamal, étudiante au Royaume-Uni afin de trouver une vie meilleure. 

Portée ou posée, la caméra s'efforce de garder la distance juste avec les personnages tout en mettant en exergue la richesse des dialogues qui se font au cours des différentes rencontres que fait Jamal dans sa recherche de l'accessoire perdu. Ainsi l'importance des taxis collectifs qui facilitent la confrontation des points de vue et le pas vers l'autre. De même, la très belle scène avec les ouvriers syriens où le plan les sépare physiquement de Jamal, mais où la parole les relie. Enfin, la rencontre solidaire avec une femme plus âgée montre les difficultés des habitants tout en mettant l'accent sur l'entraide et la fraternité à l'œuvre au cœur de la ville. 

Sur ce qu'il dit de la douleur de l'exil et d'une Palestine rêvée ou fantasmée, The Jacket résonne avec ardeur avec les heures sombres de l'actualité du Proche-Orient et nous oblige à penser et ressentir différemment, loin des discours et des images sans cesse ressassées et qui tournent à vide.

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