Selon le réalisateur de ce documentaire, Fly – Beyond the spectrum dépasse le cadre d'un film traditionnel ; il représente un parcours de dix ans mêlant co-création et quête d'identité. Lui et un groupe de jeunes hommes autistes se sont retrouvés dans un sanctuaire égaré dans une forêt flamande pour concevoir leurs autoportraits qui flouent les limites entre la réalisation et le sujet. En étant responsables de la caméra, ils ont non seulement enregistré leurs points de vue singuliers, mais aussi donné de l'ampleur à leurs voix. Le résultat est une narration initiatique qui suit leur transition de l'adolescence à l'âge adulte. La bande sonore, intégralement réalisée par les protagonistes, apporte un supplément d'authenticité, reflet de l'évolution de leur intériorité fluctuante et leur personnalité se fortifiant de jour en jour.
Fly – Beyond the spectrum

Tout d’abord, le·a spectateurice en apprend beaucoup sur l’identité multifacette de l’autisme. Problèmes de sommeil, pertes de contrôle, prise en charge médicamenteuse, difficultés relationnelles et peine à se rapprocher d’autrui, la liste est longue et concerne de nombreux éléments de la vie quotidienne. La résolution de ces problèmes se caractérise par une grande ingéniosité. En ce qui concerne la société belge, nous ne pouvons qu’être indigné·e·s face au manque de considération que cette tranche de la population subit dans les milieux professionnel et scolaire, exacerbant les tourments mentaux des personnes touchées par ce trouble. Les cercles familiaux sont aussi une question délicate. Alors que le rejet ou le contrôle abusif de leurs parents constitue une réalité qui les touche de plein fouet, certaines familles embrassent et épaulent leur autisme coûte que coûte. Nous découvrons d’ailleurs aussi les connaissances limitées et les préjugés de passant·e·s belges liés à cette maladie grâce au micro-trottoir que Kieran mène, terreau d’une légère provocation et d’une sincérité bienveillante. Il teste aussi leur capacité à l’identifier comme autiste ou non, ce qui se révèle souvent ardu. Ce documentaire renseigne aussi sur la comorbidité mentale du trouble autistique. En effet, alors que Jules souffre du syndrome d’Alice au pays des merveilles, Bryan pâtit aussi de deux autres troubles mentaux.
Le film donne malgré tout du baume au cœur : ces êtres brimés et esseulés se trouvent une utilité sociale, vivent avec passion, altruisme, espoir et sagesse. Fly honore ainsi la ténacité, l'habileté et l’union de ces jeunes, capables d’atteindre une grande satisfaction dans leur vie grâce à leur assurance. Ils en viennent à la conclusion que quiconque est quelque part autiste : cette étiquette serait donc caduque ou superflue. Ils déconstruisent, s’opposent ainsi aux masques qu’ils doivent endosser au jour le jour pour occulter la réalité tumultueuse de leurs émotions. Mais le documentaire révèle aussi que dans la pratique, la parole comme le silence sont deux remèdes possibles afin de vivre sereinement avec leur trouble.