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Laurent Garnier : Off the record de Gabin Rivoire

Publié le 17/11/2021 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

Pour écrire ces lignes tout comme pour se plonger dans ce documentaire, il faut monter les basses, allumer les subs et baisser les lumières. La musique de Laurent Garnier, au même titre que ce documentaire aux airs d’hagiographie, se vivent dans la pénombre du club, dans la transe de la techno. Face à la caméra de Gabin Rivoire, l’artiste nous entraîne avec joie dans son univers, habité de personnages atypiques, de beats hypnotisants et de mélodies lancinantes.

 

Let’s get this party started.

Laurent Garnier : Off the record de Gabin Rivoire

Au commencement était le son. Celui de son enfance, passée dans les foires et les attractions que son père entretenait. Baigné dans cette atmosphère de fête permanente, de sons modernes et de libertés, la piste semble toute tracée pour cet artiste en devenir. Une jeunesse romanesque, mise en récit autant par le cinéaste que par le protagoniste, narrateur omniscient de sa propre histoire. Au rythme des émergences musicales des années 80 et 90, le duo utilise les archives de Garnier et des grands clubs où il a fait ses armes pour nous dérouler cette histoire intime, personnelle. Le roman d’un succès.

Une success story certes, mais narrée avec humilité. Celle d’un homme toujours curieux, toujours humble, au service de son public comme de la musique qu’il vénère et dont il se nourrit nuit et jour.

Et une histoire peuplée de témoins divers et variés, acteurs autant que curateurs de cette contre-culture qu’ils ont vue - ou fait - naître. Entre le Royaume Uni et les Etats-Unis, entre Paris et Detroit, l’avènement de la techno lève systématiquement l’autre côté du voile de notre société, celui d’un univers nocturne en marge, mais résolument ancré dans son époque. Un melting-pot d’influences musicales, politiques, révolutionnaires même, traduit en musique et balancé dans les enceintes, comme un cri de ralliement pour celles et ceux que les normes de la bienséance ont rejetés.

Le documentaire n’a pas besoin d’être politique ou militant, son récit l’est intrinsèquement. Garnier n’est au final que l’une des facettes de cette montée en puissance de la musique électronique, celle qui le fascine encore aujourd’hui. Il est le conteur d’une histoire toujours en mouvement, peuplée d’expérimentatrices ou savants fous du son, qui écrivent aujourd’hui les prochains chapitres de ce récit que le Français a lui-même créé en son temps.

Biographe fasciné par son sujet, Gabin Rivoire construit la geste de son protagoniste à coups d’interviews inspirantes, d’un montage aussi cadencé que son propos, une d’une bande-son à la hauteur de nos attentes. Un film qui nous happe, nous porte, et nous immerge dans cet univers dont on ne revient pas indemne. Comme une longue nuit de fête que l’on voudrait ne jamais voir s’arrêter. Garnier y est un personnage multiple, interviewé, narrateur, sujet, artiste. Tour à tour figé par la photo d’archives ou capté par la caméra dans ses performances. Le DJ devient gourou, prophète musical au service de son public. L’homme, la foule, le disque. Comme si l’artiste ne pouvait jamais réellement être off the record, et nous avec.

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