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Éloge du capitalisme sauvage de Julien Cescotto

Publié le 28/10/2025 par Malko Douglas Tolley / Catégorie: Critique

Éloge du capitalisme sauvage, ou la tendresse devenue tyrannie

Dans ce court-métrage d’une intensité rare, la cellule familiale devient le théâtre d’une lente implosion. Ce qui débute comme une satire de la parentalité positive se transforme peu à peu en cauchemar domestique, où les rôles s’inversent jusqu’à atteindre une forme de surréalisme sordide. Ce film choc est sélectionné dans la compétition belge du 7aaaargh Festival.

Éloge du capitalisme sauvage de Julien Cescotto

L’enfant, poupée macabre nommée Toto, glace le sang par sa voix calme et son autorité tranquille. En face, des parents épuisés, prisonniers de leur propre bienveillance, cèdent à toutes ses volontés. Sous couvert d’amour, la logique du pouvoir s’inverse : le désir individuel devient la norme, tandis que la douceur se fait arme d’oppression collective.

La mise en scène, à la fois clinique et sobre, traduit la perte de repères de l’enfant comme le reflet d’un capitalisme débridé, où les normes de bienséance s’effacent au profit de la satisfaction immédiate. Dans ce film métaphorique, la famille incarne un système sans frein : l’enfant consomme l’attention comme un bien, le père s’épuise à être reconnu, la mère oscille entre tendresse et abandon.

Sans aucun humour pour adoucir la chute, la révolte du père contre la mère — complice involontaire d’un désastre éducatif confondu avec l’amour — fait culminer le film dans une violence psychologique radicale, susceptible de désarçonner les spectateurs les plus sensibles.

Dans la séquence finale, Toto, spectateur et instigateur du désastre, immortalise la ruine familiale d’un simple selfie. Ce geste, presque anodin, capture l’effondrement d’une cellule familiale sans repères, allégorie d’un monde où tout se partage et s’exhibe. Comme dans le capitalisme sauvage, tout finit par se vendre : même le désastre devient spectacle, et l’innocence perdue, une marchandise de plus.

Dans son générique de fin, le réalisateur fait référence à Pier Paolo Pasolini pour sa volonté de montrer les contradictions de l’homme moderne. Il rend aussi hommage à Takashi Miike, célèbre réalisateur japonais connu pour Audition (1999) et Ichi the Killer (2001), dont la spécificité cinématographique consiste à confronter le spectateur à ce qu’il ne veut pas voir, souvent à travers une violence gore, sadique et sadomasochiste. Mais sous le choc, tous les trois partagent la même envie d’exprimer une critique sociétale forte. 

Éloge du capitalisme sauvage consiste en une critique acerbe et anxiogène de la dérive d’une liberté sans cadre. Et au fond, mettre du Nutella sur sa tartine le matin — n’est-ce pas identique à cette folie barbare que Julien Cescotto propose dans son film ?   

 

Le 7aaaargh Reto Film Festival qui met en avant le cinéma thriller, horreur et fantastique se déroule à Namur au Quai 22 du 29 octobre au 2 novembre 2025.

https://www.7aaaargh.be/fr/festival/arff-2025/short-movies/by-session

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