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Putain de Cypria Donatao

Publié le 15/10/2015 par Sarah Pialeprat / Catégorie: Critique

Tapin 

Il y en avait des mots pour la nommer, pour nommer celle qui arpente les trottoirs, qui « offre» son corps… des mots jolis, belle de jour et belle de nuit, des mots gourmands, cocotte et gourgandine, des mystérieux, courtisane et hétaïre, ou des joyeux, fille de joie. Cypria Donato a choisi pour titre un seul mot posé là, sans ornements, comme à nu : Putain

Putain de Cypria DonataoQu’est-ce qu’un corps ? Des organes reliés entre eux, des énergies qui circulent, des muscles qui permettent de le mouvoir… des pulsions, des impacts, des battements, des spasmes que Cypria Donatao nous livre ici dans des couleurs hyper saturées. Il y a peut-être encore autre chose, une substance non-élucidée, ce que certains appellent l’âme, une chose entre l’eau et le feu, que l’on peut perdre, mais qu’on ne peut regagner…

La jeune cinéaste donne, en quelques 4 minutes, une vision mortifère de la prostitution, vue sous l’angle de la tristesse, de l’ennui, de la solitude et de la perdition… Le corps fond, se dissout, se vide, s’absente du monde et de sa violence. Si cette image quelque peu stéréotypée peut avoir ces limites et exclut le féminisme prosexe qui est celui de la réappropriation politique et économique de la prostitution par les femmes, le film installe néanmoins une atmosphère poignante et tente des images d’une belle audace où les éléments de la nature, fleurs, poissons envahissent l’espace visuel et viennent comme déplacer le propos pour le faire entrer dans un champ plus poétique que politique. Les chairs et les vêtements se fondent dans des décors et des tissus directement inspirés du fameux hôtel de rendez-vous bruxellois, l’hôtel art déco de la rue du Berger. Le générique, lui, rappelle le magnifique travail photographique de l’artiste Pierre Molinier avec ses êtres hybrides aux multiples bras et jambes. Une occasion de redécouvrir à la fois un lieu et une œuvre mal connue. 

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