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A Family Affair - au Nova à partir du 04/05

Publié le 02/05/2017 par Fred Arends / Catégorie: Critique

A Family Affair

Sur les semblants de ruine d'une histoire familiale désastreuse, la sienne, Tom Fassaert, met à jour la vie et la personnalité ambiguë et mystérieuse de sa grand-mère paternelle, Marianne Celliers, ancienne mannequin dont il va s'attacher à découvrir les secrets cachés. Il en ressort un film bouleversant où l'enquête têtue du réalisateur dessine le splendide portrait d'une héroïne de cinéma, entre glamour et pathos et où se révèle un merveilleux talent de monteur et de conteur. Le film sort ce mois-ci au Cinema Nova dans le cadre d'une programmation intitulée « Family Affair » visible jusqu'au mois de juin.

Marqué par une enfance malheureuse, placé à trois ans dans un foyer avec son frère aîné, René, et sa jeune sœur, Madeleine, Rob Fassaert a construit une image négative et une relation rancunière avec sa mère. Des Pays-Bas, celle-ci a immigré en Afrique du Sud depuis des années, la distance physique ne se dissolvant qu'un peu grâce aux cassettes vidéo de sa famille que Rob lui envoyait et auxquelles elle répondait, en autant de salutations élégantes et énigmatiques. Alors qu'il vient d'avoir trente ans, Tom, fils de Rob, reçoit une invitation de sa grand-mère à la rejoindre en Afrique du Sud. Il entreprend alors ce passionnant périple au cœur de l'arbre familial, fascinant sa grand-mère autant qu'elle le fascine. Avançant avec franchise et beaucoup de grâce pour les personnes qu'il filme, le cinéaste s'accroche à sa volonté de révéler la vérité. La caméra pousse à la découverte de soi, du démasquage dont Rob parle pour décrire sa mère, celle qui, selon lui, « a toujours porté un masque » mais qui a surtout toujours refusé de tenir le rôle de mère ou de grand-mère dans lesquels on a tenu à l'enfermer.
Le secret est évidemment au cœur du récit même si les liens familiaux entre le réalisateur et son interprète – elle livre en soi une certaine performance d'actrice – éloigne le documentaire du sensationnel, mais pas toujours de l'impudique. Le secret de sa vie, qui sera finalement révélé, est également l'objet d'un livre que Marianne a fait écrire par une biographe professionnelle, archétype de la harpie qui lui annoncera finalement qu'aucun éditeur ne veut publier son histoire. Toutes les vérités sont bonnes à dire. Le cinéaste découvrira qu'elles sont en effet multiples.
Le cinéma lui-même constitue le lien très intime entre le fils et son père. Le fait d'enregistrer le réel, sa femme, ses enfants, sa mère, cette manière de rechercher la vérité, où en tous cas de faire émerger une vérité, a été transmise de génération en génération, le grand-père photographiait déjà le monde. Cette intimité se retrouve également dans la simplicité et la beauté des cadres, tel ce rideau collé par le vent aux barreaux d'une fenêtre.
Si cette histoire familiale flamboyante et sinistre à la fois constitue à elle seule une magnifique fiction, le montage en transcende la beauté. Tom Fassaert utilise avec force et émotion le matériau filmique et photographique auquel il a eu accès dans les archives familiales. Les vidéos tournées par son père durant son enfance répondent sans cesse aux images réalisées pour ce film, dans une dynamique où passé et présent se télescopent pour atteindre un certain étourdissement de la mémoire, une sensation de « mélancolie » magnifiquement décrite par René dans une séquence très prenante et au montage particulièrement émouvant. Les textures se mélangent, une voix-off lit le texte d'un journal intime sur des photos d'un autre temps et les « cuts » deviennent des trappes temporelles. Grâce à cette dynamique de montage, Tom Fassaert signe un portrait subtil et haletant d'un récit familial original et passionnant.

 

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