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Auprès d’elle de Chiara Giordano et Benjamin Durand

Publié le 11/10/2021 par Bertrand Gevart / Catégorie: Critique

Dans le cadre de la recherche intitulée « Migrantes irrégulières dans le secteur du care aux personnes âgées à Bruxelles : enjeux sociaux et politiques de l’invisibilité de deux populations » et menée par Chiara Giordano, le film Auprès d’elle coréalisé avec Benjamin Durand vise à montrer une partie du travail des femmes migrantes travaillant chez des personnes âgées à Bruxelles. À travers le regard de trois femmes migrantes, nous suivons les gestes quotidiens du care auprès de personnes qui ne peuvent plus rester seules.

Auprès d'elle de Chiara Giordano et Benjamin Durand

 

À l’intérieur d’une maison, au seuil d’une salle à manger, une femme se tient de dos. Armée de délicatesse, d’empathie et de patience, elle nourrit une personne qui se tient hors champ. Ce long plan fixe qui ouvre le film annonce les grands axes de réflexions, la question des soins et de l’accompagnement des personnes âgées par des personnes en situation irrégulière. Au fil des séquences, toutes pensées en plan fixe et qui ne montrent jamais les personnes âgées, Meliza venant de Philippine, Noemia du Brésil et Petricia venant de Roumanie se confient face caméra et nous racontent leur rapport au soin et à l’altérité, laissant place aux sentiments qui parfois surgissent comme lorsque Meliza apprend la mort de la dame âgée dont elle s’occupe, voyant son corps sur le lit, et puis les pleurs partagés avec la famille. Chiara Giordano et Benjamin Durand entreprennent une véritable recherche anthropologique par l’image et réussissent à laisser la parole à ces femmes pour qui il ne s’agit pas d’un simple boulot mais d’un « travail avec elle ». 

De jour comme de nuit, nous suivons les gestes quotidiens de ces travailleuses de l’ombre, invisibilisées par la société, qui partagent la vie, les heurts et malheurs des personnes âgées ne pouvant rester seule. Les plans fixes d’entretiens face caméra succèdent à ces différents gestes d’aide, de nettoyage, de cuisine, d’accompagnement, des gestes et des mots qui réconfortent de la solitude. La réussite du documentaire tient dans ce choix de mise en scène et de cadrage qui laisse la vie et l’intime de ces trois femmes se déployer. En effet, outre la circulation de la parole et de l’histoire personnelle qui se répondent, la construction alternée des plans fixes tissent un lien choral et profond entre le vécu des trois femmes et apportent un témoignage comme véritable observatoire illuminant un pan invisible du travail et des femmes migrantes.

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