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Bisclavret d'Émilie Mercier

Publié le 15/12/2011 / Catégorie: Critique

Au loup !

 

Émilie Mercier n'est pas une novice dans le domaine des films d'animations. Après des études supérieures à Saint-Luc et quelques années d'exercices en tant qu'indépendante, elle entre en contact avec le studio français Folimage et travaille notamment sur la série Ariol et sur les arrière-plans du court métrage pour enfants L'hiver de Léon. C'est l'expérience acquise dans l'élaboration des arrière-plans de ces films qui lui donne l'impulsion nécessaire à la mise en œuvre de son propre court métrage, Bisclavret, sélectionné au Festival Media 10 10 de Namur.

 

Bisclavret d'Émilie Mercier

Intriguée par les vitraux depuis une vingtaine d'années, Emilie Mercier décide d'utiliser un graphisme analogue pour illustrer un poème médiéval. La technique qu'elle développe se conforme ainsi à l'époque à laquelle fut rédigé le conte, tout en dégageant une certaine modernité. La méthode employée est particulière, les décors, ainsi que les personnages, sont peints sur papier. Le tout est ensuite scanné et animé comme des pantins par un programme informatique. Par ce biais, la réalisatrice parvient à transmettre à ses personnages une certaine naïveté comparable à celle des marionnettes. Il ne lui reste plus alors qu'à partir en quête d'une histoire ancienne pouvant être adaptée. Après plusieurs hésitations, elle choisit le conte médiéval Le Lai du Bisclavret de Marie de France, première poétesse d'expression française connue. Contrairement aux autres chansons et poèmes de l'époque, dans ce lai, le lycanthrope n'est pas une bête effroyable, mais un baron innocent atteint d'une terrible malédiction. Déclamée en vers, l'histoire est narrée par une femme afin de correspondre au genre de l'auteur. Les personnages très attachants, quant à eux, interviennent également directement à travers des dialogues, eux aussi, en vers.

Dans un château du Moyen Âge, vit un baron, grand ami du roi, ainsi que son épouse, inquiète de voir son mari disparaître plusieurs jours par semaine. L’homme, en effet, frappé par une malédiction, fuit le domicile pour rejoindre la forêt et se transformer en Bisclavret le loup-garou. Lorsqu'elle apprend la vérité, et qu'il ne peut reprendre forme humaine sans ses vêtements, la dame envoie l'un de ses prétendants voler les habits du mari. Piégé, l’homme dans sa peau de loup ne devra son salut qu'à la clairvoyance du roi.

La fin, bien qu'heureuse, change des happy ends contemporains. Bisclavret rejoint l'anachronisme du poème médiéval homonyme, et questionne le thème de la fidélité. Une femme abandonnée par son mari cherche à s'affranchir de la frustration et de la souffrance que le mystère, lié à cette absence, a provoqué. Elle paiera le prix fort pour sa curiosité. Ici, aucun manichéisme. Les personnages ne sont ni bons, ni mauvais. Le baron loup-garou aime sa femme, mais lui cache son mal. Cette dernière, rendue méfiante par les fugues de son mari, insiste pour qu'il lui révèle son secret. Une fois le mystère dévoilé, elle ne peut se résoudre à aimer un animal et l'abandonne pour l'un de ses prétendants. En fin de compte, l'épouse sera punie et amputée de son nez, mais pas de son bonheur. En effet, malgré sa trahison, elle vivra heureuse avec son amant et aura beaucoup d'enfants.

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