La cinémathèque Royale de Belgique a entrepris d'éditer, en DVD, une dizaine de films flamands réalisés entre 1955 et 1990. Il s'agit de faire ressurgir du passé un cinéma dont certains films ont sombré dans l'oubli. Cette Chronique du cinéma flamand a vu la parution de Mira de Fons Rademakers dont nous vous avons parlé dans le webzine n°68 de janvier 2003. Crazy Love, de Dominique Deruddere, le second titre vient de paraître.
Crazy love de Dominique Deruddere
Le film
Avec Crazy Love (qui porte bien son titre), Dominique Deruddere frappe fort en nous contant l'itinéraire d'Harry Voss un homme qui fait l'apprentissage du divorce existant entre l'idéal et la réalité. L'image qu'on donne d'elle et celle-ci dans toute son opacité. Le premier plan nous montre Harry enfant émerveillé par un film qu'on projette, devant lui, sur un écran de cinéma. Un conte de fée. Une princesse se fait enlever par un prince charmant. Baiser final. The End. Fasciné, Harry vole une photo de promotion du film à l'entrée du cinéma (clin d'oeil à Truffaut ?). Inspiré, en partie, d'une nouvelle de l'écrivain américain Charles Bukowski, Dominique Deruddere nous montre trois nuits dans la vie d'Harry Voss. Trois étapes. La première nous dévoile qu'Harry, enfant, croit que la vie ressemble aux contes de fées. Un ami plus âgé lui démontre le contraire. Dix ans plus tard, en 1962, adolescent boutonneux, Harry découvre que l'amour lorsqu'on souffre d'une disgrâce physique est hasardeux, souvent injuste et que l'alcool procure un oubli salutaire.
En 1976, devenu adulte, Harry rongé par les vicissitudes et les frustrations d'une vie qui n'a rien de féerique en dérobant le corps d'une jeune femme morte ira jusqu'au bout de sa quête d'absolu.
La notoriété du film qui obtient le Prix de la mise en scène au Festival de San Sebastian et le Prix Joseph Plateau permettra à Deruddere de réaliser, deux ans plus tard, Wait until spring bandini, son second long métrage, adapté d'un roman de Joe Fante. La transcription numérique du film est parfaite. Il est vrai qu'on disposait non seulement du négatif d'origine mais aussi d'un contretype positif. C'est le négatif qui a été utilisé. Quand au son mono d'origine il a été restitué. Il est retransmis par les deux canaux dolby.
Le réalisateur
Dominique Deruddere est né à Turnhout le 15 juin 1957. Il réalise, en 1975, Orange Light, en Super 8.Pendant ses études à Sint Lukas (Bruxelles), il réalise Killing Joe, en 16mm, un film de fin d'études couronné par le prix du meilleur court métrage au Festival de Bruxelles 1980. Assistant de Marc Didden pour Brussels by night, il passe devant la caméra dans Istanbul du même Marc Didden, en 1985. Iedereen beroemd (2000), son film le plus récent fera partie des cinq films nominés aux Oscars 2001.
Bonus
- Les Archives de Crazy Love.
Bukowski assis dans une voiture parcourant une autoroute s'exclame hilare : "Il y a des autoroutes en Belgique ?" Et, farceur, photographie la caméra qui le cadre. Dominique Deruddere explique qu'il doit sa vocation à son frère aîné et avoue avoir préféré Sint Lukas au HRITCS, où il s'était cependant inscrit parce que Guido Hendrickx y donnait cours. Celui-ci précise : Dominique dévorait le cinéma !". Suit Ludo Troch (monteur) qui nous dit que chez Deruddere "le rythme du film est déjà dans les images ». On ne va pas tout vous dire de ce passionnant documentaire sinon que vous y retrouverez aussi les interventions de Willy Stassen (ChefOp.), Josse de Pauw (acteur), d'Erwin Provoost ou Alain Keystman (producteurs) et plein d'archives rares.
- Deux courts métrages. Killing Joe (1980), un film singulier dont la bande sonore ne comporte ni dialogue ni commentaire et Vodka Orange (1982) qui nous conte la révolte d'un adolescent qui permet à son père de continuer à être lui-même contre sa famille et la pression sociale qui veulent le sauver de l'alcool et de la cigarette.
- Trailers
Les bandes annonces de Crazy Love, Wait until Spring bandini, Suite 16, Hombres complicados, Iedereen beroemd.
Crazy Love de Dominique Deruddere, édité par la Cinémathèque Royale de Belgique et le Ministère de la Culture de la Communauté Flamande. Distribution EMI