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De notre côté de Marianne Geslin

Publié le 01/02/2006 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

De toute la sélection, voici sans doute le court métrage qui m’aura le plus enthousiasmé. Et pourtant, le sujet laissait à prévoir un reportage à la Striptease et ne prêtait pas à la franche gaudriole. C’est tout à l’honneur de Marianne Geslin d’avoir su faire d’un sujet risqué (le rapport des employés de morgues et de fossoyeurs face à la mort) un joli reportage pudique, sensible, évitant l’écueil du sensationnalisme de bas-étage, du racolage et du voyeurisme. Un peu l’antithèse de ce que nous propose la télévision. 

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Et pourtant, ça commence assez fort. A la question « Qu’avez-vous ressenti la première fois que vous avez approché un mort ? » posée à une jeune infirmière travaillant dans la morgue d’un grand hôpital, s’occupant de la toilette mortuaire de nos chers disparus, celle-ci, légèrement étourdie répond : «Ce qui m’a surpris la première fois que j’ai vu un mort c’est l’absence de respiration…» Ah oui effectivement… Surprise surprise !!! Ce moment d’humour involontaire très drôle aura valu à votre serviteur de rejeter du coca par les narines, mais il ne doit pas empêcher d’apprécier la suite de ce joli documentaire dont la pudeur est le maître-mot.

La réalisatrice nous propose trois témoignages : celui de la jeune infirmière un peu gourde citée plus haut, celui de deux autres employés de morgue, et celui d’un fossoyeur chauve (un détail capillaire qui n’est pas d’une importance capitale dans l’histoire, je le reconnais volontiers, mais je suis payé à la page alors je me permets d’allonger un peu, j’ai besoin de sous…)

De la difficulté, de la nécessité ou du refus de banaliser la mort, les différents témoignages nous éclairent sur des métiers peu connus, souvent mal considérés, «qui font peur aux gens». Trop sordide sans doute. Et la scène de l’habillage d’une vieille dame fraîchement trépassée peut être assez difficile à regarder et mettre mal à l’aise. Cela dépendra bien entendu de votre propre rapport face à la Grande Faucheuse. Les fans du célèbre Nekromantik, eux, feront la fine bouche et en redemanderont…

Et nos interviewés de nous abreuver de quelques vérités bien senties : «Etre conscient de la mort, permet de profiter davantage de la vie, de la vivre plus intensément», et de nous éclairer sur les qualités requises pour exercer ce dur métier : aimer les gens, respecter les défunts et s’efforcer de ne pas oublier qu’ils sont plus que des morceaux de viande. «On ne peut pas enlever la souffrance des familles mais on peut la diminuer un peu» nous raconte un médecin en train de préparer un corps avant de le présenter à la famille. Rendre aux trépassés la dignité que la mort leur a enlevée ? Un bien beau métier qui demande plus de courage que l’on pourrait croire. Et si ce n’est certainement pas là la vocation dont on rêve à 18 ans, le film de Marianne Geslin a le mérite de poser un regard inédit sur un métier très difficile, un métier qu’elle arrive à nous dépeindre avec une certaine poésie.

Et pour terminer, citons notre ami fossoyeur : « La mort, c’est naturel. Tu nais avec une telle date et tu meurs avec une telle date. Ça c’est la vie, ça ! » Jolie maxime du jour qui nous démontre une fois de plus à quel point le belge est philosophe...