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Des hommes de Stanislas Zambeaux

Publié le 15/01/2015 par Nastasja Caneve / Catégorie: Critique

Lo importante, es hablar

Après avoir réalisé une trilogie documentaire sur l'enfance dont un des volets retraçait l'histoire de Recardo, un jeune rom de 8 ans, dans Recardo Muntean Rostas, le jeune réalisateur Stanislas Zambeaux s'attache cette fois à trois hommes aux vies tourmentées, qui décident de renouer avec un passé enfui, refoulé, parfois tumultueux. Ben, Jean-Luc et Antonio, trois gros durs aux bras musclés, se dévoilent petit à petit, laissant apparaître leurs tatouages d'abord, mais aussi leurs fêlures, leurs failles, leur humanité. Ils ont chacun pris la même décision : retrouver un membre de leur famille pour se reconstruire, renouer avec leur passé, pour compléter le puzzle inachevé, pour trouver la sérénité. 

Des hommes de Stanislas ZambeauxUne rencontre qui ne date pas d'hier puisque les trois personnages se connaissaient déjà depuis une vingtaine d'années via le milieu sportif. Jean-Luc Ramboux était préparateur sportif, il a entraîné Ben Hamblème, le boxeur (et mannequin, charmant jeune homme soit dit en passant), dont certains combats étaient sponsorisés par les restaurants d'Antonio Arenzana. Quand Stanislas les a réunis bien des années plus tard, les trois hommes étaient prêts à se livrer, une nécessité pour chacun d'entre eux. Ils ont trouvé en la personne de Stanislas une oreille attentive et bienveillante. Ben veut connaître sa mère, Jean-Luc veut retrouver son fils, Antonio veut se familiariser à nouveau avec son frère.

Des personnes voulant renouer le contact avec des proches... On a en tête cette vieille émission de télévision française, Perdu de vue, où les participants trépignaient d'impatience, les yeux mouillés, dans l'attente de voir apparaître ce spectre qui les avait trop longtemps hantés. Même si l'idée reste la même, la mascarade a disparu dans le film de Stanislas. On est dans le vrai. C'est sobre, profond et juste.

L'écriture, véritable fil d'Ariane, traverse le film du début à la fin. Les trois hommes, seuls face à la feuille blanche, doivent dire. Mais quoi ? Par où commencer ? Comment trouver les mots justes ? Ceux qu'ils n'ont jamais prononcés devant personne, mais qu'ils ressassent depuis tant d'années à l'intérieur, en silence. Ces mots rendus audibles par Stanislas, ces maux qui résonnent, cette voix off pesante qui tente d'expliquer.

Ces mots qui tentent d'expliquer pourquoi Jean-Luc s'est toujours senti coupable d'avoir opté pour le banditisme et la prison plutôt que pour son fils, pourquoi Ben a toujours ressenti de la frustration à cause de sa mère qui l'a abandonné le jour de sa naissance, pourquoi Antonio s'est toujours tenu responsable de l'incarcération de son frère. Des failles, des manques, de l'espoir, de la culpabilité, de l'incompréhension, de l'amour. L'homme est présenté dans toute sa complexité.

Des hommes, ce n'est pas seulement la recherche du mot juste, ce sont aussi des images, de belles images. Ces gros plans sur ces regards tristes, sur ces rides qui rongent, sur cette fatigue accumulée. Ces gros plans qui vont au-delà de la vérité, qui fouillent à l'intérieur.

Stanislas Zambeaux, armé de patience, a réussi à s'immiscer au plus profond de l'intimité de ces brutes épaisses (d'apparence), laissant entrevoir leur fragilité. La musique de Maurizio Bergmann et cette chanson de Diego El Cigala, flamenco qui renoue avec les origines andalouses d'Antonio, sont particulièrement bien choisies. Une quête des origines, un film plein d'espoir et d'humanité.

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