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Disco Boy de Giacomo Abbruzzese

Publié le 24/05/2023 par Fred Arends / Catégorie: Critique

Histoire d'oeil 

Présenté en compétition au dernier festival de Berlin, le premier long-métrage de Giacomo Abbruzzese dresse le portrait puissant de deux hommes aux ambitions et aux désirs totalement différents, évoluant dans des univers éloignés et dont les destins vont se croiser au cœur de la jungle nigériane. 

Disco Boy de Giacomo Abbruzzese

Prêts à tout pour s’enfuir de Biélorussie, Aleksei et Mikhail, unis par une amitié fraternelle indéfectible, profitent d'un match de foot pour se rendre en Pologne et de là, espèrent pouvoir rejoindre la France, pays qui cristallise tous leurs rêves. Hélas Mikhail disparaît lors de la traversée d'une rivière. Désormais seul, Aleksei parvient à atteindre Paris. À la recherche d'une nouvelle famille, il s'engage dans la Légion Etrangère. Le cinéaste filme cet engagement comme une initiation de l'autre, d'apprivoisement d'une confiance mutuelle – un processus d'intégration et d'assimilation dans un groupe qui forme dès lors un ensemble organique unifié. Dans l'impressionnante séquence d'entraînement dans la forêt, constituée notamment d'un magnifique travelling latéral, les soldats courent, rampent dans la boue, jusqu'à épuisement, et le mot d'ordre est toujours : « Restons ensemble ! », injonction qui symbolise cet esprit collectif. 

 

Le film fait découvrir en parallèle, le récit de Jomo, jeune révolutionnaire nigérian, qui mène une lutte environnementale armée contre les compagnies pétrolières qui ont dévasté son village, dans le Delta du Niger. Si Aleksei cherche une nouvelle famille dans la Légion, Jomo s’imagine être danseur, un disco boy. Et donc sortir de sa communauté pour peut-être intégrer une nouvelle famille. Car il s'agit avant tout d'un récit de recherche de soi, de vouloir faire partie d'une communauté, d'une tribu et où les signes d'appartenances se multiplient : le tatouage de Aleksei, symbole de son statut d'orphelin, l'étrange oeil doré de Jomo et de sa soeur Manuela, marque qui ouvre les portes d'un univers fantastique, traversé par les ombres dansantes des transes vaudoues. Cet œil sera aussi la manifestation de l'union entre Aleksei et Jomo, et d'une possible rédemption, après une chute dans les tréfonds de la culpabilité. 

 

Suite au kidnapping d'un fonctionnaire français par les forces révolutionnaires, le corps de la Légion Etrangère où évolue Aleksei est envoyé au combat au Niger. La poursuite, d'abord en hélicoptère, ensuite à pied dans la jungle, est un pur moment de film d'action, magnifiquement mise en scène. La distance entre les deux hommes se fait de plus en plus fine et la musique impulse une tension, une angoisse souvent oppressantes. La très belle séquence nocturne, centrale dans le récit, du combat filmé en caméra thermique, s'avère d'une grande violence qui parvient cependant à une forme de poésie. La rencontre entre les deux hommes ne pourra se faire que dans la mort. Et marquera le début d'une transformation.

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