En salle : Dikkenek d'Olivier Van Hoofstadt 1
On est dans une salle de cinéma. Sur l’écran, une pub pour un film : Marie-Madeleine aurait un enfant de Jésus. C’est fou l’amour au cinéma ! À côté de moi, un blaireau aux cheveux blonds filasse qui lui mange le cou n’a pas éteint son portable. Si cela se contentait de vibrer, mais non, ça entonne les Quattro Stagioni de Vivaldi au baryton. Le mec sort l’engin et se met à parler avec une fille (j’imagine) d’une fête d’anniversaire : "Géant !". Son voisin, un stoeffer moustachu aux cheveux plaqués par le gel lui hurle : "Arrête ça, ducon !" Blondin : "Nada, c’est rien, c’est le voisin qui déconne". Moustache raide : "Tu me cherches ? Eh bien tu m’as trouvé" et il lui file un pain à l’œil gauche. Puis de récidiver, sauf que Blondin s’efface et c’est moi qui me ramasse la gamelle sur l’œil droit. Ouille ouille ouille ! Mon œil est gonflé. Ma femme m’emmène dehors pour me soigner tandis que Cheveux gras achève Blondin à coup de tatannes en hurlant : "Tiens donc, je déconne, tête de cochon, Stoefferket !"
Contre le trottoir d’en face, le capot de la voiture est ouvert et ma femme hurle : "On a volé le moteur !" C’est la soirée. Un Kleenex sur l’œil, je me précipite en claudiquant vers une cabine téléphonique pour appeler la Maréchaussée. "Allô 22, urgent !" Un hurluberlu les cheveux aussi gras que les frites qu’il ingurgite me hurle : "Tire-toi lambin, on vient de me carjacker !". Je murmure "Pardon ?" dans l’appareil. Cheveux gras : "Maman, je sais que t’es grosse mais il faut quand même venir me chercher". Son haleine empeste les dix bières qu’il vient de s’envoyer. Il me file une gamelle sur le nez. C’est la soirée des beaufs de comptoir, de têtes à claques. Ça baigne, les beignes. Ma tête clignote comme l’enseigne du troquet d’en face. J’hallucine ! Putain, je crois apercevoir un zievereer qui tient un cochon en laisse et qui lui parle comme à un chien de son sort prochain en pyramide à saucisses. Le lendemain, je me réveille en sueur avec une migraine d’enfer. Je demande à ma femme ; "Qu’est-ce qu’on a fait hier soir ?". Soupir. "Mais, chéri, on a été voir Dikkenek!" - "Ah bon ?" Je palpe mon œil au beurre noir et mon nez en forme de fraise. La prochaine fois, on mettra le DVD d’Orange mécanique, ou C'est arrivé près de chez vous. (1).
(1) pour cinéphiles convaincus : la sortie de Ashes of Times (Les Cendres du temps), troisième film de Wong Kar Waï, une somptueuse exploration des limites du wu xia pian, symétriquement inversée de celle de The Blade de Tsui Hark. Deux ruptures avec le style chorégraphique inauguré par King Hu (Touch of Zen) et poursuivi par Chang Cheh (La Rage du tigre).