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Entre la vie et la mort de Giordano Gederlini

Publié le 20/06/2022 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique

Un homme en sursis

Leo Castaneda (Antonio de la Torre), la cinquantaine, un espagnol apparemment sans histoires, vit depuis des années à Bruxelles où il conduit les métros de la ligne 6. Un soir, son fils Hugo (Noé Englebert), qu’il n’a pas vu depuis des années, se jette sur les rails et meurt devant ses yeux. En état de choc, Leo découvre que le jeune garçon était impliqué dans un braquage sanglant, durant lequel un policier infiltré a perdu la vie. Déterminé à découvrir les raisons de ce suicide, Leo va quitter sa routine pour enquêter sur les complices d’Hugo, un gang de violents criminels. Mais Leo est surveillé de près par une enquêtrice au bout du rouleau, Virginie Rivage (Marine Vacth), dont l’amant n’était autre que le policier tué. Virginie suspecte Leo de ne pas être celui qu’il prétend, mais son enquête est freinée par les autorités espagnoles qui ont classé le dossier "Castaneda" top secret, et par son père (Olivier Gourmet), un commissaire dur à cuire qui est également son supérieur hiérarchique. Virginie suspecte Leo d’être un ancien terroriste réfugié en Belgique et bientôt, tout ce petit monde cherche à mettre la main sur le butin dérobé lors du braquage. 

Entre la vie et la mort de Giordano Gederlini

20 ans après son premier long, le film d’action Samouraïs, Giordano Gederlini s’essaie au thriller « à l’américaine », avec une formule classique et bien rodée. Il signe une sorte de chaînon manquant entre Taken et Le Fugitif : un héros solitaire et mutique au passé mystérieux, qui n’a plus rien à perdre, des flics à ses trousses qui ont toujours un train de retard, des antagonistes démesurément violents, une bonne dose de suspense et d’action... À défaut de réinventer la roue, le cinéaste se concentre sur la caractérisation de ses deux principaux protagonistes. Antonio de la Torre, l’acteur fétiche d’Alex De la Iglesia, s’avère particulièrement attachant dans la peau de ce père meurtri, qui pleure du sang lorsqu’il est contrarié et dont on ressent la décence et l’humanité dans chaque regard, y compris lorsqu’il recourt à la violence. Leo Castaneda est une figure tragique très « westernienne », un fantôme venu terminer son existence dans une ville dépotoir (Bruxelles) dénuée de chaleur, forcé bien malgré lui de reprendre les armes une toute dernière fois. 

Face à lui, une détective coriace, en deuil, et donc de très mauvais poil, brimée par un père autoritaire et trop protecteur et par des collègues qui ne la prennent pas au sérieux. Si Marine Vacth (toute en cernes, avec ses deux paquets de clopes quotidiens) et l’impérial Olivier Gourmet (plus imposant que jamais) convainquent individuellement, on ne croit jamais vraiment à leur relation père/fille, leurs physiques respectifs ne s’accordant pas et leurs différends étant réglés de manière trop superficielle. Le film n’est pas dénué de maladresses d’écriture (c’est une partie d’échecs dans laquelle la police, larguée, n’a jamais le moindre coup d’avance sur Leo) et d’invraisemblances flagrantes dans le déroulement de l’enquête. 

Mais la mise en scène, élégante, marque de nombreux points, notamment lors de scènes d’action percutantes : un long et douloureux combat mano a mano entre Antonio de la Torre et Olivier Gourmet vaut son pesant de cacahuètes, tout comme un gunfight au pied de l’Atomium. Avec ses décharges d’adrénaline, ses acteurs impliqués et son irrésistible anti-héros mélancolique lancé dans une vendetta suicidaire, le film de Gederlini n’est ni plus ni moins qu’une agréable série B, idéale pour le samedi soir. Nul doute que d’ici deux ans, en cas de succès, Entre la Vie et la Mort aura droit à son remake américain avec Liam Neeson en tête d’affiche ! Un gage de qualité ?

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