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Femmes de Gilles de Philippe Hesmans

Publié le 01/04/2000 par Nicolas Longeval / Catégorie: Critique

La plus belle pour aller danser

Quelques jours avant son célèbre carnaval - dont Henri Storck, il y a une trentaine d'années déjà, avait immortalisé les frasques des tambours, claquements des sabots et jets d'oranges - Philippe Hesmans arrive dans la petite ville de Binche : divisée en clans, la tribu se prépare à fêter le retour du printemps.

Femmes de Gilles de Philippe Hesmans

Les traditions se perpétuent, la relève semble d'ailleurs assurée, au grand bonheur des aînés, mais si " faire le Gilles "este un privilège exclusivement masculin, les hommes " tout dit pimponnés " rendent hommage à leurs dames, sans qui tout cela serait impossible : entre cuisine et couture, réunions au café du coin ou à la maison, l'effervescence des préparatifs leur donnent énormément de travail.

Mères et filles n'en sont pas moins très fières, et dévouées à leur " roi d'un jour " qu'elles voudraient le plus beau pour aller danser. Quand un problème de santé empêche l'un d'eux de continuer la parade, grand-mère, la larme à l'oeil, paraît inconsolable. Certaines semblent effectivement plus motivées que ces drôles de lions parfois un peu apathiques et arrivant à la fin du labeur pour s'adjuger la meilleure part du gâteau. Bien sûr Christine et les autres ont leur soirée, leur parade à elles, qui coince les mâles aux fourneaux ou derrière les comptoirs pendant qu'elles dansent et chantent jusqu'aux petites heures, masquées et costumées. Présentée d'abord comme un acquis, on ne peut sans doute qu'approuver la reconnaissance dont elles jouissent, mais dire merci et chanter quelques compliments s'avère évidemment plus facile que coudre soi-même ses fonds de culotte. A quelques tours d'horloge du grand cortège du Mardi Gras, s'éveille donc le regret de ne pas être né avec, mais sans, comme le constatait un Freud phallocentrique.

Et arrivée l'aube du jour J, c'est un peu nerveuses qu'elles s'activent à " bourrer " - de paille - l'habit de lumière de leurs maris, pères, fils et frères. " Les hommes, raconte-t-on alors, se sont appropriés le carnaval. Dans les années cinquante voire soixante encore, les femmes se déguisaient aussi. " De ce déguisement ne reste aujourd'hui qu'un chapeau, dit de fantaisie, décoré avec art et amour pour un concours d'originalité qui n'aura pas lieu : c'est que, l'échine courbée sous le poids de la réserve d'oranges, comme un camion balai derrière un peloton de cyclistes, il faut suivre et encourager son troubadour préféré. Diffusé par la RTBF, l'excellent documentaire de Philippe Hesmans n'applaudit que comme on rit jaune, l'hypothèse ou postulat selon lequel chacun et chacune trouve sa place à l'intérieur d'une société que les différents groupes carnavalesques reproduisent en miniature. Le pittoresque accent wallon donne au film un côté ethnographique, voire rétro ; les lois et règles d'une tradition locale, un regard presque historique et éclairant sur la mondialisation de " l'humanité "... 

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