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Io sto bene de Donato Rotunno

Publié le 31/01/2022 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

Un homme âgé reçoit les honneurs, tandis qu'une jeune femme pianote sur ses claviers et effleure ses platines. Qu'ont donc ces deux êtres en commun ? L'envie d'un avenir meilleur, la recherche d'un futur que leur pays, l'Italie, ne semble ou ne semblait pas pouvoir leur accorder.

Io sto bene de Donato Rotunno

En poursuivant la réflexion entamée dans son film documentaire Terra Mia, terra nostra, le réalisateur Donato Rotunno livre avec Io sto bene une fiction entre deux époques, à cheval sur deux générations d'une jeunesse italienne en mal de changement. Antonio (Renato Carpentieri), désormais à la retraite, verra sa propre histoire se répéter dans les tribulations de Leo (Sara Serraiocco), arrivée au Luxembourg il y a quelques temps au hasard de sa tournée musicale avec son ex-compagnon. Alors que les deux protagonistes s'entrechoquent, l'on découvre petit à petit l'histoire d'Antonio, à cheval entre les années cinquante et soixante, au moment où s'est véritablement construit le grand Duché. Et au fur et à mesure que le récit se focalise sur ce personnage, le cinéaste nous plonge dans le quotidien des émigrés italiens qui ont bâti le pays à la sueur de leur front. Sans artifices historiques grandiloquents et avec simplicité, Donato Rotunno donne à voir ce qu'a pu être la vie de ces ouvriers dans une Europe en construction. Une existence difficile, solitaire, et pétrie des paradoxes qu'une vie entre le Luxembourg et l'Italie ont pu créer chez ce protagoniste au crépuscule de sa carrière.

Par ces interrogations, le réalisateur creuse aussi et bien évidemment la question de l'identité européenne et des déracinements. Les motivations d'Antonio et de ses camarades sont semblables mais leurs objectifs diffèrent, entre volonté de s'installer dans ce pays qu'il a aidé à faire sortir de terre pour Antonio, et retour au pays natal et à une vie au pays pour ses deux compères. Un questionnement qui trouvera son écho dans l'arc de Leo, néanmoins plus anecdotique.

Profitant de la double temporalité de son récit, le cinéaste survole ce que peuvent être les questionnements des Italiens et Italiennes aujourd'hui, dans une Europe où les oppositions entre nord et sud n'ont pas tout à fait disparu. Et si le protagoniste est et reste Antonio, le reflet que lui renvoie Leo, fille de substitution mais surtout miroir de sa propre expérience de jeunesse, n'est pas dénué d'intérêt. On voudrait tout de même voir plus d'actrices comme Sara Serraiocco, ou Marie Jung qui incarne Mady, l'épouse d'Antonio, l'amour de sa vie décédée quelques mois avant les événements du récit. Leurs prestations face aux rôles masculins du film dénotent, et donnent une bouffée d'air frais au spectateur lors de leurs apparitions.

En tissant cette fable entre deux époques, Donato Rotunno livre un film résolument européen, co-produit entre le Luxembourg, l'Italie, la Belgique et l'Allemagne, non dénué cependant d'une considération sous-jacente sur les écueils de cette Europe du 21e siècle dans laquelle évolue les protagonistes. À charge du public d'aller plus loin dans le cheminement de sa réflexion, avec sa conscience citoyenne.

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