Illustration : Gwendoline Clossais
Jason et les Royaumes de Bertille Zenobie

Sur une route bordée d'arbres, une moto file à vive allure accompagnée d'un bruit assourdissant. Il fait nuit, la route est à peine éclairée et on sent la tension dramatique du moment. Le conducteur, le casque vissé sur sa tête, a les yeux humides, regarde devant lui fixement, puis ferme les yeux comme pour s'abandonner. Il semble alors agité d'une dernière résistance face au désormais catastrophique choc qu'il ne peut plus éviter avec un véhicule arrivant en sens opposé : ses yeux se réouvrent une dernière fois, aveuglés. Ainsi, en une minute, la vie peut basculer et s'en remettre à sa destinée. Mais, lorsque ce n'est pas son heure, il faut gérer les conséquences de ses actes et Jason se relève de cette expérience de suicide manqué avec la jambe droite brisée et des heures de rééducation à suivre.
Durant les trajets, Agathe, la conductrice du taxi qui l'emmène à ses rendez-vous, essaie d'en savoir un peu plus, mais il évite soigneusement les réponses directes.
Le paysage qui défile l'inspire et, influencé également par un documentaire vu chez sa grand-mère qui l'héberge, il s'enfonce dans le déni de son acte désespéré en poursuivant une ligne éditoriale imaginaire ressemblant à un conte onirique presque romantique construit comme une ode à la vie.
Y a-t-il trouvé une forme de thérapie à sa souffrance initiale ?
Peut-être capte-t-il auprès d'Agathe l'attention qu'il recherchait probablement ? Il parvient sans cesse à chaque voyage à faire rebondir son histoire plausible quoique parfois rocambolesque au point d'éveiller davantage la curiosité de son auditrice. La tentative de suicide n'est pas une chose facile à gérer parce qu'elle participe du désarroi de la personne ne sachant comment le regard des autres évoluera a posteriori sur elle. A chacun sa manière de fuir ou d'affronter se TS, mais il est certain que Jason a trouvé un chemin qui lui est propre pour apporter une pierre à l'édifice de sa résilience.