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L’Extraordinaire voyage de Marona d’Anca Damian

Publié le 26/11/2020 par Nastasja Caneve / Catégorie: Critique

L’Extraordinaire voyage de Marona est une pure merveille. La réalisatrice roumaine Anca Damian, récompensée par le Cristal du long-métrage à Annecy en 2012 pour Le Voyage de Monsieur Crulic, s’associe cette fois avec notre compatriote illustrateur Brecht Evens. Et, cette collaboration est plus que réjouissante. Marona parle de la mort, de l’amour, de l’attachement, du bonheur, de la fidélité, de la confiance, de nos vies à tous, en somme.

Voir sa vie défiler avant de mourir, c’est ce qui est de coutume. Paraît-il. C’est ce que fait Marona, petite chienne qui vient de se faire percuter par une voiture. Gisant au milieu de la route, petit animal blessé, petite truffe en forme de cœur, Marona se remémore. Elle remonte le fil : depuis sa naissance jusqu’à sa mort en passant par les foyers successifs qu’elle a intégrés. Une vie dense, extraordinaire, pleine de peur, de couleurs, de joie, de tristesse, d’espoir, d’odeurs, de chaleur, de surprise, d’os. Tellement dense qu’on pourrait voir et revoir ce film à l’infini pour ne pas en perdre une miette.

Ce voyage, c’est comme se plonger dans un tableau de Brueghel où tous les personnages, les « humains » déambuleraient à leur guise. De la démarche funambulesque de Manole l’acrobate en passant par les mains protectrices et la mortadelle du chef de chantier Istvan et par les joies et le tigre jaloux de la petite Solange, Marona s’adapte à ces nouvelles rencontres, à ces différentes étapes de la vie : l’insouciance de la jeunesse, la vie de couple, la famille transgénérationnelle. Elle reçoit ces amours différents et elle nous raconte, avec la voix off de Lizzie Brocheré qui berce. On ne peut pas rester de marbre face à cette petite boule de poils. Marona nous parle de la vie, nous parle de nous, des hauts et des bas, du bonheur de chaque instant, des déceptions quotidiennes qu’elle relativise.

Ce voyage, c’est aussi une prouesse technique. Anca Damian mélange toutes les techniques d’animation dans ce voyage initiatique. La 2D, la 3D, les papiers découpés, les textures sont chaque fois différentes, les traits se mélangent, les couleurs explosent de joie. On entre dans une pièce et c’est un cabinet de curiosités. Et, on ne s’en lasse pas. Malgré cette diversité visuelle, l’histoire se construit dans une fluidité sidérante.

Le film pose la question du bonheur. Pour Marona, « il a la forme du chiffre 9 et le goût du lait ». Pour Manole, pour Istvan, pour Solange, il est différent, comme pour chaque spectateur qui peut se reconnaître dans les traits d’un ou de plusieurs personnages : l’artiste désabusé, l’ouvrier du bâtiment méticuleux et bon comme le pain, la mégère vulgaire, le grand père conservateur, la mère seule au foyer, l’adolescente connectée. Un film d’une richesse graphique stupéfiante et d’une narration sensible qui ravira petits et grands.

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