Mars 2020. LOCKDOWN. En mars 2020, la planète a vu le monde à travers les fenêtres, physiques et virtuelles. Hommes, femmes, enfants ne pouvaient plus courir les rues, libres. Non. En mars 2020, nous étions confinés, enfermés, prisonniers, bloqués. Sans issue, comme de petits animaux apeurés. Que reste-t-il alors ?
Le Fémur brisé, Jonas Luyckx
« Agissons ensemble, agissons ensemble » qu’ils répétaient dans leur radio. Comment être ensemble quand on est désormais seuls ? Comment survivre sans l’autre ? Est-ce que notre civilisation est assez forte pour encaisser ?
Jonas Luyckx, réalisateur prolifique et producteur pour White Market, s’est posé ces questions en mars 2020. Il a demandé à ses connaissances du monde entier de lui envoyer des images, reflets de l’apocalypse et de la déshumanisation progressive. Avec ces images, celles des autres, les siennes, il réalise et produit Le Fémur brisé. Un film de confinement, un film d’une petite histoire, celle de sa famille, qui parle de la grande Histoire.
Il y a chez Jonas Luyckx un besoin urgent de raconter le monde souvent avec ses moyens, parfois dans l’urgence, comme un cri intime et puissant (Un Cri dans le vide, 2020). Il y a chez ce réalisateur une volonté de créer pour échanger avec l’autre, pour partager, pour faire du cinéma un terrain d’explorations de l’intime.
Mars 2020 fut pour nous l’occasion rêvée pour faire du tri, pour réorganiser sa cabane, son logis, son refuge. C’est en retrouvant des images de sa grand-mère décédée que le réalisateur se questionne. Pourquoi laissons-nous nos vieux mourir seuls ? Pourquoi les parquer dans des maisons de repos, regards hagards et grand vide ? Et si, pendant ce confinement, nous étions tous devenus des vieux enfermés ?
Dans son film, Jonas Luyckx raconte son confinement, l’école à domicile, les ados tentant, en vain, d’échapper à cette réalité imposée, la compagne chanteuse qui vocalise sur Teams, les mamies recluses dans les homes, les files interminables devant les supermarchés, les villes fantômes, les bougies d’anniversaire qu’on ne peut pas souffler, les denrées désinfectées, les injonctions sanitaires qui résonnent inlassablement. S’il nous parle de sa famille, le réalisateur parle aussi des autres, aux quatre coins du monde, soumis aux mêmes règles. Un quotidien universel où chacun a son rôle à jouer.
Car, comment survivre à cela en étant seul ? Le film se termine sur l’idée que si l’animal a le fémur brisé, il meurt. Sans aide, il ne pourra plus subvenir à ses besoins. L’humain a, contrairement à la bête, la chance de pouvoir être guéri par l’autre, rassemblant ainsi des chances de survie. C’est de ce soutien dont il est question ici. Être ensemble contre le coronavirus, oui, mais être ensemble pour exister, encore plus.
Le film mêle les images de fenêtres fermées sur le monde, les photos de famille, les images d’archive, les images d’amis. Une manière de s’infiltrer dans ces foyers clos où chacun a fait comme il pouvait. Le film n’est pas seulement un documentaire sur le premier confinement mais plus globalement un film sur l’entraide, la patience, l’écoute, le temps qui passe, la peur, la tendresse, la vie.