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Le voyage d’Emir

Publié le 29/01/2020 par Sylvain Gressier / Catégorie: Critique

Les enfants de la Roue et Smala Cinema

Les films d’atelier réalisés par des enfants sont nombreux à voir le jour chaque année en Belgique. Ils sont autant d’occasions, pour les jeunes, de comprendre le monde d’images dans lequel nous évoluons toutes et tous, mais aussi et surtout offrent l’opportunité pour ces apprenties cinéastes de s’accaparer un médium d’expression et de sauter la barrière qui sépare le consommateur passif de l’acteur enjoué aux joues rougies par l’excitation de l’aventure audiovisuelle. Au confluent de l’éducation et de l’art, ces ateliers de peu de moyens sont d’autant plus riches et complexes qu’ils postulent un travail de création collective et horizontale où chaque enfant doit pouvoir trouver sa place et s’épanouir dans un cadre aussi ouvert que stimulant. Si créer à quatre mains est déjà rock’n’roll en soit, Le voyage d’Emir, lui, en compte un peu plus de cent vingt…

Le voyage d’Emir nous embarque à bord de l’Orient-Express à la découverte des fabuleuses richesses artistiques et scientifiques que l’Orient a apporté à l’Occident. Déambulant dans des villes mythiques comme Istanbul, Bagdad ou Alexandrie, Emir nous fait découvrir les sciences arabes, les peintres orientalistes, la musique andalouse, les mots d’origine arabe… Grâce à cette création, une soixantaine d’enfants majoritairement issus du monde arabe sont partis à la découverte de leurs racines. L’apprentissage de ces connaissances foisonnantes, leur a permis de s’approprier et de partager de manière ludique et créative la richesse de leur héritage culturel. Un long et beau voyage dans lequel se sont plongés les enfants de 6 à 12 ans qui ont entièrement réalisé ce film d’animation.

 

Film onirique à visée pédagogique, Le voyage d’Emir, réalisé par les enfants de La Roue à Anderlecht et encadré par l’équipe pédagogique de la Maison des Enfants et Smala cinéma est un tour de force dont la réussite tient tant au travail fourni par les jeunes qu’à la volonté des adultes qui les entourent de mettre en place une telle aventure.

Là où le fil narratif permet au récit de maintenir sa cohérence et de développer ses ambitions pédagogiques sur 41 minutes, l’esthétique du film, sa photographie notamment, s’autorisent bien des choses. Creuset de l’imagination enfantine, le film explose toutes les conventions esthétiques formelles, mélange les genres, superpose les images et malaxe les formes comme la plasticine. C’est déroutant, tant ça embarque le spectateur dans tous les sens, on sent bien ici que c’est l’enfance qui fait loi.

 

Au travers de ces visuels bariolés où l’imaginaire foisonnant de la jeunesse s’incruste dans chaque interstice, on devine, dans la composition compacte des images, un processus permettant à chacun des enfants d’apporter sa contribution. En résulte un film à visée pédagogique proprement habité par une énergie juvénile qui, en s’appropriant le savoir, le fait vivre. Le film tient par ce constant travail d’équilibriste entre, d’une part, la débauche d’idées, d’envies, de visuels et, de l’autre, une volonté de transmission pédagogique qui tisse le récit tout en mettant en lumière l’apport culturel d’une partie du monde encore trop souvent méconnue voir stigmatisée en Belgique.

 

Loin de la vision “auteuriste” du cinéma marchand, il s’agit donc ici de faire les choses ensemble.

Difficile dès lors de dire “Hey t’as vu le dernier film de Jawad, Saliha, Imad A., Mayssam Laurent, Ilyas, Adam, Henry, Mohamed Z., Daniel, Salahdine, Rania C., Imad Z., Yasser, Nihad, Sabrine, Hicham, Ameer, Radiatou, Lahouria, Abdallah, Kadiatou, Alya, Mohammed D., Marwa, Assia, Chams, Yassine, Nejem, Hannae, Lara, Douha C., Radia, Mohammed B., Imrane, Maïssa, Amina, Sirine, Salma, Enzo D., Zaynab, Rosy, Doha K., Diva, Dorian, Rania O., Crevette, Zinedine, Mohamed E., Anissa, Inaya, Rania t., Kays, Ahmed, Rayan, Nora, Sara, Olivier, Darnie, Mohamed S., Moyne, Enzo D.S., Ayoub, Lina, Imane, Nour, Boubacar, Hiba, Aissatou, Oumayma, Dhikra, Nouha, Rebecca et Eliott ? Non ?

T’as de la chance il repasse au Pointculture à Bruxelles de 19 février !”

 

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