Génération désenchantée
Pour qui entre complètement vierge d’informations dans la salle projetant le neuvième film de Jacques Audiard, au titre énigmatique (il désigne le quartier parisien du 13e arrondissement), la surprise risque d’être à la mesure de la réussite. Pour nous, ce fut le coup de foudre !… Abonné aux drames psychologiques intenses (De Battre mon Cœur s’est arrêté, De Rouille et d’Os, Dheepan), aux polars noirs (Sur mes Lèvres, Un Prophète) et dernièrement au western existentiel (Les Frères Sisters), Audiard, bientôt 70 ans, s’accorde pour la première fois une respiration dans la légèreté avec un film aux antipodes : sa première comédie romantique, adaptation de cinq courts récits de l’auteur de bandes dessinées américain Adrian Tomine, co-écrite avec les réalisatrices Céline Sciamma et Léa Mysius. Une fresque sentimentale sur le désir, très mélancolique, certes, mais une authentique comédie dans l’air du temps, baignant dans la sordide réalité sociale d’aujourd’hui (il y est question de sexisme, de harcèlement sur les réseaux sociaux et de sexe tarifé en ligne), parfois hilarante, souvent émouvante, dont l’arme secrète réside dans un trio de jeunes acteurs et actrices exceptionnels et dans leurs personnages aussi attachants qu’imparfaits.