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Métis, les enfants cachés de la colonisation

Publié le 28/07/2023 par Malko Douglas Tolley / Catégorie: Critique

Choquant et émouvant. Bouleversant et éclairant. Instructif et interpellant. Le dernier documentaire de Dominique Regueme, actuellement disponible sur Auvio, met en lumière plusieurs témoignages incroyables d’enfants métis issus de la colonisation belge. Si certaines révélations glacent le sang, d’autres procurent le sourire. Cette libération de la parole devrait être vue et entendue par tous les Belges, qu’ils soient métissés ou non.

Métis, les enfants cachés de la colonisation

Rejetés par les populations noires comme par les blancs, ces enfants métis ont dû être évacués à la fin des années 1950 sur ordre de l’autorité coloniale belge. Leurs parents et surtout leurs mamans, impuissantes face à l’autorité administrative et locale, n’ont eu d’autres choix que de se résigner à signer les documents permettant d’envoyer définitivement leurs enfants vers la Belgique.

Si ce documentaire permet de mieux comprendre cet aspect peu médiatisé du colonialisme, l’accent est mis sur les stigmates et traumas des populations métisses extradées.

"Tous les enfants métis devraient savoir ça : leur maman ne les a jamais abandonnés", stipule l’une des protagonistes du film. On apprend en effet que les enfants ont vu leurs noms modifiés une fois débarqués sur le territoire belge. Si leurs pères étaient souvent des personnalités blanches influentes et connues de tous, jamais leur paternité n’a été reconnue publiquement et leurs enfants ont pratiquement tous été mis dans des orphelinats avant d’être envoyés en Belgique.

Le témoignage du charismatique Lucien, un de ses enfants métis qui s’exprime dans ce reportage, sur son papa fait froid dans le dos. Ce dernier explique que son paternel l’avait suspendu au-dessus d’un trou avec un énorme serpent au fond en le menaçant de l’y jeter. On le voit également rencontrer son frère qui a été élevé en Flandre tandis qu’il avait été placé dans une famille francophone, sans avoir la possibilité de le revoir durant une décennie.

Encore aujourd’hui, Lucien fait parfois des cauchemars des mauvais traitements infligés par son père en raison de son métissage. Il explique avec beaucoup d’émotions avoir vécu son départ vers la Belgique comme un soulagement, car il ne serait plus sous l’emprise de ce colonisateur blanc qui se prenait pour le tout-puissant et le maltraitait.

Un autre témoignage marquant est celui d’un frère et d’une sœur métis dont la maman avait été mise enceinte “lors de ses premières règles quand elle avait 12 ans”. Les histoires se succèdent et permettent de mieux comprendre l’emprise du colon blanc sur les populations locales ainsi que le rôle des bonnes sœurs et de l’Église dans ces pratiques qui étaient banalisées il y a moins d’un siècle.

La qualité des témoignages et la force du propos confèrent une dimension captivante à ce récit où les témoignages s’enchaînent avec pour point de départ le discours de Charles Michel et les excuses de l’État fédéral belge à tous les enfants métis issus de la colonisation.

Cette production Luna Blue Film et Supermouche Productions a été réalisée en coproduction avec la RTBF, Vosges TV, et Pictanovo.

 

Métis, les enfants cachés de la colonisation fait partie de la sélection 2023 du festival Beyond Borders de Castellorizo, Grèce.

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