Cinergie.be

Muganga - Celui qui soigne

Publié le 16/10/2025 par Djia Mambu / Catégorie: Critique

En transposant à l’écran le combat du docteur Mukwege, Muganga tente d’éveiller les consciences occidentales sur les violences sexuelles utilisées comme arme de guerre en République démocratique du Congo. Mais la force du propos peine parfois à dépasser les clichés du « regard blanc » posé sur l’Afrique.

Muganga - Celui qui soigne

Inspiré du livre Panzi des docteurs Denis Mukwege (médecin congolais) et Guy-Bernard Cadière (chirurgien belge), Muganga – qui signifie celui qui soigne – retrace leur collaboration dans les années 1990, durant lesquelles ils ont été amenés à soigner nombre de femmes victimes de violences sexuelles au cœur des conflits armés en RDC. 

Dès la première séquence, le docteur Mukwege s’adresse à un public occidental attentif, presque compatissant. En parallèle, le film dévoile une scène de viol : des soldats blancs s’introduisent dans une maison de famille blanche. Le choc est immédiat, mais… « ce n’est pas votre réalité », lance Mukwege à son auditoire, alors que l'image revient sur la salle de conférence. Le message est limpide : le film veut secouer ceux qui se sentent loin de ces atrocités, et interroger leur empathie - resterait-elle aussi distante si les victimes leur ressemblaient ? 

Voilà des décennies que le travail du docteur Mukwege auprès des femmes violées et mutilées s’impose comme exemplaire. Malgré les menaces et les intimidations du gouvernement congolais de l’époque, il a poursuivi son combat avec une force inébranlable. L’attribution du prix Nobel de la Paix en 2018 a consacré cet engagement mondialement reconnu.

Incarné par Isaac de Bankolé (acteur ivoirien), imposant, mais bien trop figé, le héros semble privé de toutes nuances émotionnelles. Le film évoque son combat sans réellement l’incarner, survolant ainsi ce que les médias ont déjà largement raconté. Le regard de la réalisatrice semble davantage tourné vers son collègue belge, le docteur Cadière, interprété par Vincent Macaigne – acteur français pour le coup, choix surprenant, d’autant qu’il rejoue, sans s’en démarquer, la figure de l’Occidental découvrant l’Afrique : choc culturel, indignation, impuissance face à l’injustice… Une expérience maintes fois vue à l’écran. 

En revanche, le film touche juste lorsqu’il s’attarde sur les femmes - victimes, mais aussi survivantes. Leurs récits, leurs regards, leurs gestes traversent l’écran avec une puissance bouleversante : la victime en quête de salut, le rejet familial, l’exclusion sociale, mais aussi la dignité retrouvée. Ces scènes sauvent le film d'une certaine froideur de sa mise en scène. 

On regrettera aussi de ne pas plonger davantage dans le caractère militant et engagé du docteur Mukwege, comme l’avaient fait avec brio Angela Diabang dans Congo, un médecin pour sauver les femmes, ou encore Thierry Michel dans L'Homme qui répare les femmes : La Colère d'Hippocrate. 

Muganga reste néanmoins un film nécessaire - non seulement pour ce qu’il révèle de nouveau aux uns, mais également pour rappeler aux autres que soigner, dans un pays déchiré par la guerre et l’indifférence, est certes un acte de résistance, mais aussi tout simplement humain. 

Tout à propos de: