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Mystère à Shanghai - Belfilm

Publié le 13/07/2007 par Sarah Pialeprat / Catégorie: Sortie DVD

Holy Shanghai !

Une des vocations de l’asbl Belfilm, fondée en 1989 par l’historien Paul Geens, est de gérer les droits d’anciens films belges. En créant une nouvelle collection de DVD intitulée Made in Belgium, Belfilm met, à disposition de tous, des films oubliés, voire totalement inconnus. Une belle initiative que cette résurrection qui permet de découvrir non seulement des productions belges, mais aussi des films venus d’ailleurs et auxquels ont participé nos compatriotes, que ce soit comme scénariste, acteur ou coproducteur. Ce mois-ci, c’est un polar français des années 50 qui est mis à l’honneur, Mystère à Shanghai… Shanghai ? Quel rapport avec la Belgique me direz-vous ? Suspense…



Le pourquoi
La plupart des films noirs sont les adaptations (plus ou moins fidèles) d’oeuvres littéraires : Raymond Chandler, Dashiell Hammett, William Irish, Simenon bien sûr…ou encore Stanislas-André Steeman… Cet auteur de polar né à Liège 5 ans après Simenon n’a malheureusement pas connu la renommée de son célèbre aîné. Dans les années 40, ses romans ont pourtant été adaptés au cinéma par les plus grands cinéastes, les deux plus célèbres étant les adaptations de Henri-Georges Clouzot : L'assassin habite au 21 en 1942 et Quai des orfèvres en 1946.

En 1950, Roger Blanc, le réalisateur oublié de Scandale aux Champs-Élysées, Minuit Champs-Élysées, mais aussi L’aventurière des Champs-Élysées fait appel à Steeman pour l’adaptation à l’écran de son roman intitulé La nuit du 12 au 13. Steeman accepte de co-écrire le scénario avec Maurice Griffe mais aussi de tenir le rôle secondaire du comptable bougon. Roger Blanc propose des changements radicaux : Anvers, décor initial du roman, devient Shanghai… Le titre est également adapté : on échappa de peu à La nuit du 13 aux Champs-Élysées.

Le titre
Il faut avouer que Shanghai sonne plus pittoresque qu’Anvers, surtout dans ces années-là. Ah… Shanghai ! Le film noir, l’aventure, l’exotisme oriental, les casinos et les costumes blancs. Prononcer Shanghai devant un cinéphile, et le voilà déjà parti au pays des rêves en compagnie de la Dietrich ou de Rita Hayworth… Ici, la femme fatale, c’est Hélène Perdrière, rappelez-vous, l’héroïne de Topaze qui n’hésitait pas à faire les yeux doux à Fernandel :  et bien oui, on est dans un film français que voulez-vous… Peu importe, tout y est, les maisons de thé, les bateaux à voiles sur la rivière Huangpu, les ruelles sombres et les ventilateurs. On y boit du whisky, on fume de l’opium, le chat s’appelle Confucius et la servante chinoise Lotus, c’est quand même plus exotique que Madame Gertrude.

L’histoire
Bon alors, essayons d’être clair, le riche patron d’une société d’import-export nommé Aboody reçoit des lettres signés « le dragon vert » le sommant de remettre au mendiant qui se trouve devant sa porte, 50.000 dollars avant minuit la nuit du 13. Cette nuit fatidique, Wens, le détective privé, est chargé de le protéger…Pourtant, peu après minuit, des coups de feu retentissent : Aboody est retrouvé mort et le détective grièvement blessé.

Le commissaire Malaise et son acolyte chinois sont sur la piste…Qui est qui ? Qui veut quoi et pourquoi ? Je n’en dirai pas plus ! Vous l’aurez compris, tout sera plus compliqué que ce qu’on imagine. Les ingrédients du polar sont là, un meurtre, un détective, un flic, des suspects et …Ç’aurait pu être un « serpent noir » (cf. Le Drame de Shanghai - G. W. Pabst – 1938), mais, ce sera un « dragon vert » qu’il faudra débusquer !


Le film

Il serait difficile de dire que le film possède la grâce et le charme de Shanghai Express ou l’originalité de The lady of Shanghai. Pas étonnant que des noms tels que Sternberg ou Welles soient passés à la postérité alors que celui de Roger Blanc est resté inconnu hormis peut-être d’une centaine de rats de vidéothèques. Le film a des défauts, certes, la direction d’acteur n’est pas brillante. Robert Lussac, sorte de Maigret lymphatique (il fume aussi la pipe) est un peu lourdaud et surjoue. Et pourtant, et pourtant… Malgré tout ce que l’on pourrait reprocher au film, le charme opère et ce sont peut-être les défauts  qui lui confère toute sa saveur.

En effet, les clichés du genre et les clichés sur l’Asie, le décor en carton-pâte (tout est tourné en studio), l’exotisme de pacotille, les dialogues très écrits et les personnages stéréotypés rendent nombre de scènes irrésistibles et nous plongent dans un univers proche de la BD. Le petit commissaire chinois incapable de prononcer une phrase sans citer Lao-Tseu ou Confucius est un Dupond et Dupont à sa manière. Je dirais même plus, le film mérite amplement sa réédition en DVD, et, comme disait Lao-Tseu, « mieux vaut tard que jamais »…

Le bonus 100% belge
En bonus, Belfilm propose La cave, un court métrage de Raymond Dastra tiré d’une nouvelle de William Irish. Un horloger mène une vie tranquille et rangée avec sa petite femme au foyer, douce, aimante, parfaite femme d’intérieur. Un jour, il la voit dans la rue en compagnie d’un inconnu. Blessé, l’homme décide... de fabriquer une bombe à retardement (justement tiens, dans la vitrine du kiosque est exposé un ouvrage intitulé « Comment j’ai réalisé ma bombe à retardement ! ») pour tuer l’infidèle…Mais il faut se méfier des apparences, et quelquefois tel est pris qui croyait prendre…

La même année, en 1957, cette nouvelle intitulée Three O’clock était adaptée par Monsieur Hitchcock himself…Dastra n’est pas Hitchcock, inutile d’insister, mais il tire son épingle du jeu en réalisant un film plus drôle que véritablement angoissant.

Mystère à Shanghai – Roger Blanc  - 1950 - 90’
Scénario : Stanislas-André Steeman et Maurice griffe
Avec Paul Bernard, Maurice Teynac, Hélène Perdrière, Pierre Jourdan et
Robert Lussac.

La cave – Raymond Dastra – 1957 – 22’
D’après William Irish
Avec Micheline Bourdet et Guy Lou

Co-édité par Bel Film (http://www.belfilm.be/) et Come and See (http://www.come-and-see.be/).

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