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Na Vespera de Lotte Knaepen

Publié le 15/12/2011 par Anne Feuillère / Catégorie: Critique

Radieuse adolescence

Les documentaires, finalement, qui nous auront le plus frappés à Filmer à tout prix, auront tous en commun d’être partis en quête de l’enfance. Après The pedicure trial, où se règlent les comptes d’une enfance lointaine, après Little Sister, où elle se ravive le temps du film, Na vespera se penche sur la relation d’une jeune adolescente de 14 ans et sa jeune mère, tombée enceinte au même âge qu’elle. Réalisé dans le cadre de ses études à Sint Lukas, Prix de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Na vespera de Lotte Knaepen capte la force d’une adolescente en plein grandir et s’installe dans ce présent radiant qui ne connaît pas de futur.

photo du film Na Vespera de Lotte KnaepenAvec sa photographie contrastée et chaude, ses cadrages posés, longs, contemplatifs, ses visages irradiés d’ombres et de lumières, ses gros plans sur le corps de Nadine dans l’herbe, ou ses plans d’ensemble qui la saisissent à rouler sur la plage, à jouer avec sa mère, à l’embrasser ou à s’engueuler, ce que filme avant tout Lotte Knaepen, c’est la joie d’un corps en résonance. Jamais détaché du monde qui bruisse ou subit des tempêtes, d’un agneau qu’on nourrit, des arbres dans lesquels on grimpe, des herbes où l’on se roule, le corps de Nadine est tout entier pris dans cette joie que Deleuze définit comme la puissance. Ouverte, dehors, Nadine s’habite entièrement, sauvage et libre, forte d’elle-même. Elle parle, crie, saute, danse, chuchote ou éclate de violence et s’engueule avec sa mère qu’elle caresse ou contre laquelle elle se glisse. Cette relation troublante de sensualité, Knaepen la filme tout d’abord d’une manière qui en souligne l’étrangeté, avec un gros plan sur le visage de sa mère plus ou moins endormie, détachée de tout, sorte de masque de Gorgone. Puis, les deux femmes se rejoignent dans le cadre pour échanger des baisers et des engueulades. Ce lien d’une grande sensualité vient ensuite se dévider dans tous ses aspects, de l’autorité à la violence des conflits, de la complicité des confidences à la fragilité de l’enfant. Ce qui se raconte là, c’est ce qui passe entre ces deux corps de femmes étroitement liés où la sensualité presque animale des premiers temps de l’enfance continue à vibrer. Et tandis que l’une grandit et fait ses armes (se maquille, s’affirme, se fait belle), mais fragile encore, dévoile les innocences et les violences de l’enfance, l’autre la regarde et la guide, toujours capable de la porter dans ses bras. En s’ouvrant sur des images plus anciennes de Nadine à la mer, en la montrant dans tous ses états, métamorphosée en femme par la grâce d’une robe de soirée ou jouant comme une gamine avec sa maman, Knaepen brouille les pistes du temps pour installer son personnage dans un moment qui ramasse en lui-même la multiplicité de tous ses possibles, un présent intemporel et puissant, celui d’une liberté en plein essor.


 

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