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Onoda – 10.000 Nuits dans la jungle d'Arthur Harari

Publié le 05/08/2021 par Fred Arends / Catégorie: Critique

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Une séquence inaugurale particulièrement belle ouvre l'étrange et fascinant nouveau film de Arthur Harari, auteur du déjà très réussi Diamant Noir en 2016. Inspiré de la vie du soldat japonais Onoda Hiroo qui ne crut pas à la fin de la seconde guerre mondiale et poursuivit sa mission avec trois autres militaires sur l'île philippine de Lubang. Lui seul y resta jusqu'en 1973.

Onoda – 10.000 Nuits dans la jungle d'Arthur Harari

 

La grande force et le talent incontestable de Harari est d'avoir su élaborer une épopée de l'intime grandiose et magnifiquement narrée.
Le récit débute au moment où Onada entend un chant militaire qui le replonge dans sa vie d'exilé : étranger à son pays, à son époque et au monde. Le montage subtil et particulièrement minutieux entraîne le récit dans une cascade de temporalités différentes ; les flashbacks s'imbriquent harmonieusement et élaborent une progression passionnante de cette vie hors du commun.
Refusant le film de guerre, le cinéaste se concentre sur les relations entre les personnages de ce corps militaire, d'abord collectif, qui se réduira au fur et à mesure pour finir par une forme radicale de solitude et de perdition.
La mise en scène raffinée exclut tout superflu et tout spectaculaire ; la guerre est close, lointaine, sporadique, les ennemis invisibles et fugaces, les scènes de violence surgissent comme des éclats brefs et dénués de pathos.
La caméra s'attarde sur la gestuelle de ces soldats, leur survivance dans la jungle : construire un abri, se protéger, se soigner l'un l'autre, préparer à manger.
Onoda est plus qu'un seul individu, il devient le centre d'une cellule fraternelle et quasi amoureuse où les quatre soldats vont devoir apprendre à se connaître, se soutenir, s'aimer et se haïr.
Harari réinvente un classicisme cinématographique qui colle parfaitement à son projet et à son ambition de dépeindre l'humanité dans sa profonde complexité et dans ses fulgurantes beautés. Mais ce classicisme n'est ni ennuyeux ni pesant et permet une appréhension profonde des personnages et de leur trajectoire tragique. Osant la lenteur, le cinéaste opte également pour une lumière d'une grande douceur sublimant notamment les scènes de nuit. La douceur traverse d'ailleurs l'ensemble du métrage. Prenant le parti du « le moins est le plus », Harari invente un lyrisme brut, économe d'effets, parfois proche d'un Bresson dans sa direction d'acteurs (tous d'une grande justesse et d'une grande sensibilité) et dans ses inserts magnifiques (la main sur la montagne ou celle pleine de riz). Ce qui n'empêche pas des moments d'une émotion intense et de certains effets (le magnifique travelling le long de la jungle) ou de motifs récurrents (l'orchidée) toujours pertinents.

Il s'agit aussi d'un grand film sur la résilience et la capacité de l'homme à rêver une forme de mythologie. Dans une sorte de folie raisonnée, Onoda va s'inventer une réalité alternative pour poursuivre sa route et la mission qu'on lui a assignée et convaincre son dernier acolyte de le suivre et de continuer à vivre. Enfin, Harari interroge notre rapport au passé et au présent et les chemins incessants qui les lient, le sens d'une vie et nous offre une oeuvre d'une mélancolie inoubliable.

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