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Prisme, un film de Rosine Mbakam, An van Dienderen, Eléonore Yaméogo

Publié le 06/12/2022 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

L’idéologie de la technologie. Loin d’être impartiale, loin d’être neutre, celle-ci est en effet le véhicule d’une domination sous-jacente de notre société occidentale, l’hégémonie de la blancheur ou de la blanchité. C’est de ce constat qu’est né ce film à six mains, signé An van Dienderen, Rosine Mbakam, et Éléonore Yaméogo. Trois cinéastes qui tentent, au travers de cette séance d’introspection cinématographique, de questionner leur rapport aux images, de même que celui de notre société.

Prisme, un film de Rosine Mbakam, An van Dienderen, Eléonore Yaméogo

Ouverture en Zoom, un outil désormais plus que familier. Car plutôt que de voix off, les réalisatrices choisissent de nous détailler elles-mêmes leur démarche, leurs interrogations, et leur objectif. Chacune à leur tour, elles vont nous proposer une plongée dans leur vision du monde, dans ses méandres et dans ses travers, ceux qui les ont forgé. Le tout, illuminé par leur parcours respectif. Une partition en trois temps, inaugurée par An, dont les China Girls sont elles-mêmes de grands points d’interrogation sur ce qui est l’étalon de la lumière au cinéma. Rosine, dont la vie et le parcours la font se questionner sans cesse sur son éducation et son rapport au 7e art. Éléonore enfin, qui propose une autre image des peaux noires, pour réécrire cette histoire. Ou plutôt ces histoires, multiples, variées, remises ici en lumière. 

Entre cinéma, textes, poèmes et photographies, Prisme est une exploration esthétique faite de plans-tableaux, d’entretiens savamment cadrés, et de séquences silencieuses intenses en émotion. Des témoignages ressortent, comme celui de Tella Kpomahou, la “noire lumineuse” devenue terne, face aux pellicules et aux caméras inadaptées. Dans ces instants captés, au détour d’un maquillage, d’une déclamation ou d’un portrait sans bruit, le travail sur les lumières dévoile tout le talent de ces cinéastes, toute la réflexion qu’il est nécessaire de poser sur nos images. Les nôtres, mais les leurs surtout.

Avoir le choix de son image. Une simplicité ? Plutôt une gageure selon votre couleur de peau. Impossible de se voiler la face, la discrimination technologique est aujourd’hui - autant qu’hier - une triste réalité, reflétée dans les multiples fragments de cette œuvre plurielle.

Une voie sans issue ? Une fatalité héréditaire ? Pour sortir de cette cage, les réalisatrices partent à la recherche de leur propre lumière, de leurs propres univers. Des recherches, des rencontres, avec parfois des avis divergents mais qui tous s’accordent sur la nécessité de repenser les paradigmes. De (re)trouver une liberté dans les images, un accomplissement dans les lumières. Et penser à ce qui sera laissé aux générations futures. Car comment se construit-on aujourd’hui, si ce n’est par des représentations, par des images ? Un constat moteur pour ces théoriciennes d’un cinéma résolument actuel, un cinéma pour les gens, un cinéma de la vraie vie, un cinéma enfin de la diversité et de l’inclusion, absolument nécessaire pour l’avenir de nos sociétés.

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