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Souffle court, film collectif

Publié le 27/03/2023 par Nicolas Bras / Catégorie: Critique

En 2020, le Covid bouleversait nos vies, souvent en imposant l’interruption des activités mais pour certains, transformant la vie professionnelle en longue et intense course à la (sur)vie. Quelques réalisateurs et réalisatrices belges ont enregistré leurs échanges avec des professionnels du soin qui ont tout donné pour assurer leurs missions.

Souffle court, film collectif

La Grand Place de Bruxelles est déserte, nul passant pour observer les pixels géants du Coca-Cola de De Brouckère et une population enfermée sous des verrous plus ou moins confortables : bienvenue en mars 2020 et dans l’ère des apéros-webcams. À l’inactivité subie du plus grand nombre répond l’hyperactivité furieuse des professionnels de l’urgence avec, au cœur, le personnel des soins hospitaliers et gériatriques. Souffle court suit l’épopée de quelques-uns d’entre eux avec les seuls moyens de communication de l’époque : la visioconférence.

Dès le début du confinement, une poignée de réalisateurs et réalisatrices belges se retrouvent confrontées à l’émergence impromptue de l’ordinateur (fixe, portable ou miniature également appelé smartphone) comme seul outil de rencontre et de captation d’images. Ils trouvent une piste pour témoigner de l’urgence : enregistrer un carnet de bord filmé de discussions avec des professionnels des soins de santé. On découvre entre autres Mathieu et Mathilde, infirmier et infirmière urgentiste ; Laureine, médecin-assistante en gériatrie ; Hizia, psychologue en milieu hospitalier, Eric, chef-infirmier en soins intensifs

Uniquement composé des images face-caméras des différents intervenants, Souffle court se déploie comme un catalogue chronologique (et bavard) de la première année de pandémie de Covid-19. Les craintes suscitées par les débuts de la crise se frottent à l’engagement sans faille de chacun d’eux, à leurs techniques de survie au cœur de l’angoisse, à l’accumulation de décès et de burn out, au manque de personnel, au manque de matériel, au manque de considération, au manque criminel de financement du secteur hospitalier jusqu’au moment où les regards affectés par la catastrophe s’effondrent. Désormais, des semaines de 70 heures sont la norme, les décès s’enchaînent et il n’est pas dit que les vocations en sortent indemnes. Heureusement, la population applaudit…

Formellement, le film nous impose la triste réalité des images aux épais pixels et pénibles temps de latence dans la recomposition de cet enfer du contact par écrans interposés. Les visages s’y auscultent, les émotions y sont plus ou moins contrôlées pour composer un témoignage de ces mois d’angoisse, de lutte et de colère. Au fond, les témoignages préexistent au film. Coupures de presse et témoignages de professionnels foisonnent sur Internet mais avec Souffle court, les paroles se rassemblent et se retrouvent non plus au milieu d’un flux incessant de discours, mais comme une unité de temps.

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