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Veuves !, de Sonia Pastecchia, 2024

Publié le 10/12/2024 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

En compétition au festival Cinemamed, où il a reçu une mention spéciale du jury Les Grenades pour la parole qu’il offre “à ces femmes à qui, si on ne la donne pas, mourrons avec leur silence”, le documentaire Veuves de Sonia Pastecchia a fait verser plus d’une larme aux audiences qui ont pu le découvrir. Un récit dans l’intimité de la famille d’une réalisatrice au cœur de son sujet, et qui lève le voile sur un pan méconnu de l’histoire de la Belgique et de celles et ceux qui l’ont faite.

Veuves !, de Sonia Pastecchia, 2024

Cette intimité, nous y sommes directement plongés par la cinéaste. Sa mère, Rina, a 87 ans, et avec ses amies elle nous invite dans sa cuisine, lieu de rencontre et d’échanges d’expériences pour ces femmes depuis des décennies. “Tu peux en filmer beaucoup, des veuves”, entend-on dès les premières minutes du film, présageant des instants que vont nous partager ces protagonistes si particulières.

Et Sonia Pastecchia de nous les présenter au gré de son film et de ses rencontres, renouant avec l’histoire de ses aïeules tout comme avec l’histoire d’une Belgique où les terrils sont devenus des pierres tombales. Pourtant, ces souvenirs immuables ne racontent qu’une partie de ce récit, et c’est au travers de ces femmes partageant un même passé que nous découvrons l’autre côté du voile, traces d’une féminité d’un autre temps et d’une sororité toujours actuelle.

En convoquant la parole par le temps long du documentaire et la captation de toutes ces bribes de souvenirs, Sonia Pastecchia saisit à la volée le défilement des vies. Et par la surimpression, elle permet à celles qui sont encore là de marcher aux côtés de ceux qui ont disparu et disparaissent au fil de ce récit profondément humain.

Au travers de l’alternance des décors, tantôt intimes, tantôt rappelant par les images industrielles le quotidien révolu de ces personnages, la cinéaste dresse un portrait touchant de la domesticité où se mêlent échanges attendrissants et moments de recueillements solitaires.

Un film dont le rythme doux et bienveillant permet de laisser la parole de ces femmes se délier et remplir l’écran, elles qu’on a si peu souvent écoutées au-delà de leurs cercles, hors du pas de leurs portes.

“Ils sont tous ici, où veux-tu que j'aille quand je viens ici, sinon au cimetière ?”, assène Rina lors d’un séjour dans son Italie natale.

Un film, à la manière de ses personnages, se dresse tant en biographie qu’en pèlerinage tandis que les espaces se vident, au fur et à mesure que les vies s’achèvent.

Ces disparitions, Veuves nous les fait vivre et ressentir en soulignant l’absence dans le cadre, avec finesse et simplicité. Une absence qui ne peut se remplir que par la présence de ces autres personnages, soutiens indéfectibles tant qu’il leur reste un souffle de vie.

Un film qui, bien au-delà de son sujet, traite avec universalité du temps qui passe et des paroles qui s’envolent. Des paroles transcrites dans l’immortalité par le témoignage audiovisuel d’une cinéaste artiste et historienne à la fois.

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