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60 miles a day de Didier Minne et Mister Emma

Publié le 18/10/2021 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

Bienvenue à Chicago, sur les premiers mètres de la mythique Route 66. “The Mother Road”, “the Main street of America”, la mère de toutes les routes dans un pays où l’automobile règne en maîtresse absolue. Un rêve pour Michel, ingénieur belge de 53 ans. Son défi : rallier Santa Monica au rythme de 100 kilomètres par jour (60 miles), le nez dans le guidon. Pas celui d’une Harley Davidson d’antan, celui d’un véhicule conçu spécifiquement pour le voyage, un vélo solaire.

 
60 miles a day de Didier Minne et Mister Emma

60 miles a day, c’est avant tout l’histoire d’un rêve, élaboré dans un garage belge par Michel et son neveu, entre deux coups de fer à souder. L’envie de partir à la rencontre d’un autre monde, d’une culture différente. Des États-Unis qui ne transparaissent pas à travers les cartes postales ou l’actualité internationale. Accompagné de son équipe technique, de son épouse et des réalisateurs Didier Minne et Mister Emma, c’est une véritable petite caravane que Michel emmène à la rencontre de ces paysages, et de ces villes de l’Amérique “profonde”

En découle une vision moins glamour peut-être, mais bien plus représentative de ce qu’est aujourd’hui ce pays, au-delà des mégapoles et des parcs nationaux. Cette “autre” Amérique, c’est celle des cafés de bourgades de 87 habitants, où d’anciens vétérans servent des burgers, parlent baseball et entretiennent tant bien que mal le sentiment de communauté. Celle des dîners authentiques mais tristement vides, que l’on croirait issus d’un décor de Fargo. Celle encore des motels en bord de route, où l’on gare son pickup, son camion ou sa moto avant de poursuivre son odyssée. Entre ces monstres mangeurs de bitume, la monture de Michel détonne et provoque à chaque fois son petit effet. Le vélo solaire comme moteur de rencontres, et de questionnements.

L’initiative de Michel, un peu volontairement et un peu malgré lui, interpelle autant le citoyen américain que le spectateur du film. Pourquoi, dans un pays où l’énergie naturelle est omniprésente et les technologies avancées, le pétrole et l’essence sont-ils encore aussi importants dans les déplacements ? Est-ce une fatalité ? Ou bien un choix politique et citoyen ?

Alors que Michel fait figure de paradoxe, parcourant à vélo ce monument routier dédié à la gloire du moteur thermique, il devient lui-même révélateur des singularités des lieux qu’il traverse. Une Route 66 qui, au-delà du grand mythe du rêve américain, semble n’être plus qu’un musée à ciel ouvert dont les habitants, devenus guides autant que gardiens, sont des laissés-pour-compte de la modernité. Exode rural, pauvreté structurelle, vieillissement de la population, chômage, fuite des jeunes vers les grandes villes, telles sont aujourd’hui les réalités de ces villes autrefois rutilantes.

Sans se poser comme militant, 60 miles a day entend néanmoins donner la parole à ces “autres américains”. Ces humains que Michel rencontre sont, tout comme nous, en proie au doute et à la crainte d’un avenir incertain. Ce qu’ils souhaitent, à l’instar de ce protagoniste dont nous suivons les coups de pédale, c’est de pouvoir aller vers un futur meilleur, et réaliser leurs rêves.

Pour Michel, après cinq ans de préparation et soixante jours en selle, c’est chose faite. Une odyssée capturée en toute simplicité par les réalisateurs, pour un documentaire touchant.

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