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Brendan et le secret de Kells

Publié le 06/02/2009 / Catégorie: Critique

Une lumière à travers les âges sombres

Toute la magie de l’art médiéval et une plongée dans les légendes irlandaises pour un premier long métrage empreint de merveilleux et symbole de la singularité européenne.

 À première vue, rien ne semble plus éloigné de notre univers contemporain que l’Irlande du IXème siècle, cadre de l’intrigue du premier long métrage des Irlandais Tomm Moore et Nora Twomey : Brendan et le secret de Kells. Un monde rude, recouvert de forêts sauvages parsemées de rares refuges pour une population menacée par les invasions Vikings.

Brendan et le secret de Kells


Mais le film, inspiré du Livre de Kells , un manuscrit enluminé considéré comme un trésor du patrimoine artistique mondial et exposé à Dublin, tire sur des fils qui le relie à des thématiques universelles et intemporelles : le passage initiatique vers l’âge adulte et la survie de l’art à travers l’hostilité d’un environnement matérialiste. 
Deux problématiques individuelles et collectives fusionnées dans des aventures en 2D mêlant heroic fantasy et réalisme historique autour de quatre personnages principaux incarnant autant de valeurs humaines.

Pivot du récit scénarisé par Fabrice Ziolkowki, Brendan, âgé de 12 ans, vit dans l’abbaye de Kells sous la férule de son oncle, l’abbé Cellach, un homme très autoritaire dont l’unique préoccupation est de faire ériger un mur capable d’arrêter les Barbares. Mais l’arrivée du maître enlumineur Frère Aidan va ouvrir de nouveaux horizons pour l’obéissant Brendan. L’horizon de l’art, de ses beautés et des facultés créatrices en premier lieu puisque le Frère porte avec lui le manuscrit encore inachevé de Kells et encourage le jeune garçon à participer à sa fabrication. L’horizon de l’inconnu ensuite, ce monde extérieur jusqu’alors interdit à Brendan où dominent les forces de la Nature et de l’irrationnel incarnées par la fille-loup Aisling, un esprit de la forêt et le terrifiant Crom Cruach, tapi au fond de sa caverne et symbole de la peur jungienne auquel l’humain doit se confronter pour renaître. Une terreur qui a son équivalent réel avec les hordes de Vikings, armées d’ombres gigantesques déferlant au son des tambours et dans la violence sanguinaire.

 

Brendan et le secret de Kells

 

Evoluant habilement sur deux niveaux de lecture, une épopée accessible au jeune public et un conte philosophique destiné aux plus grands, Brendan et le secret de Kells se distingue tout particulièrement grâce à un graphisme médiévaliste qui touche au sublime dans les passages se déroulant dans la forêt.

Jouant sur les couleurs et les formes en contraste avec la grisaille et la banalité du monde de l’abbaye, le film bascule alors dans une dimension onirique où la magie de la mythologie celtique et l’esthétique stupéfiante du Livre de Kells (qui n'est pas sans rappeler les mandalas) s’unissent pour le meilleur et le plus grand plaisir visuel des spectateurs.

Au-delà d’une réussite cinématographique porteuse d’un message fort sur l’importance de la transmission artistique et de l’éveil créatif par-delà les conflits ténébreux et les angoisses sécuritaires, Brendan et le secret de Kells est aussi le digne représentant d’une animation européenne résistant au conformisme graphique et narratif et aux sirènes de la 3D et du relief. Un cinéma faisant écho au terreau commun liant les cultures multiples du Vieux Continent et un film ayant réussi à voir le jour grâce aux efforts conjugués des Irlandais (Cartoon Saloon), des Français (Les Armateurs et France 2 Cinéma) et des Belges (Vivi Film), sans oublier les Hongrois de Kecskemet qui ont participé à la fabrication. Une alliance européenne dont le fruit du travail a été sélectionné au festival de Berlin dans la section « Generation ».

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