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Broken Art de Nicolas Dedecker & Benoît Baudson

Publié le 30/10/2019 par Marine Bernard / Catégorie: Critique

Dans le cadre du Baff - Brussels Art Film Festival, le film de Nicolas Dedecker et Benoît Baudson intitulé Broken Art a été sélectionné pour concourir en compétition nationale : l’occasion de se replonger dans l’univers noir du street artiste Denis Meyer.

Broken Art revient sur un événement bruxellois qui a fait grand bruit : Remember Souvenir, l’œuvre éphémère de l’artiste Denis Meyer réalisée dans l’ancienne firme Solvay deux années avant la destruction totale de l’immense bâtiment. D’abord motivé par l’envie personnelle de faire de ce lieu emblématique un vaste terrain de jeu et d’exploration intérieure, l'artiste finira par la présenter un an plus tard comme une œuvre totale à un large… très large public.

Dès les premières images, les réalisateurs Nicolas Dedecker et Benoît Baudson nous immergent dans le projet en cours de création, un peu avant sa présentation publique jusqu’à sa démolition, afin que nous puissions en cerner tout le processus réflexif. Le documentaire apparaît comme une boucle qui commence avec les premières images de la destruction de la firme Solvay et se termine sur son anéantissement total.

À mesure que la caméra s’engouffre dans le lieu, nous découvrons un véritable entrelacement poétique de dessins et de mots qui viennent en épouser les moindres recoins. Du sol au plafond en passant par les fenêtres, les escaliers et les portes, l’artiste déverse à la bombe, à la peinture et à l’extincteur, les sentiments qui le traversent jour et nuit. Fortement touché par une rupture amoureuse, il en use et en abuse pour se délester d’une douleur étouffante et écrasante. Cette contamination monochrome de l’espace Solvay est vraiment symptomatique de l’état de son cerveau, mélangé, brouillé et chargé. Pour lui, seule la destruction du lieu pourra le soulager de son tourment. Parallèlement à cet aspect thérapeutique, Remember Souvenir le conduit à donner vie à des dizaines de carnets de dessin et d’écrits qu’il n’avait jamais dévoilés auparavant. Aussi, elle lui permet d’inviter quelques artistes belges pour qu’ils puissent prendre part au projet. Au moment de l’ouverture des portes au public, le succès est à son comble. De puzzle mental imaginé dans une certaine globalité, Denis Meyer choisit de l’envisager, dans un second temps, comme une accumulation de pièces détachables par le public, moyennant un certain coût.

Tout au long du film, les réalisateurs parviennent à rendre palpable toute la difficulté, la sensibilité et l’émotion qui transpirent de ce projet de longue haleine en captant les faits et sans prise de position. Ils montrent avec justesse son ambivalence en alternant l’effervescence qui entoure sa présentation publique et les moments de solitude et de profonde tristesse qui habitent cet artiste aux multiples facettes.

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