Bruxelles-Beyrouth est un film de Thibaut Wohlfahrt et Samir Youssef, réunis pour la première fois sur un projet. Le premier est un habitué de la réalisation de clips et de courts-métrages, comme La traversée (2013) avec l’excellent Oldfield Finnegan. Le second est un journaliste et romancier libanais qui collabore régulièrement avec Euronews.
Bruxelles-Beyrouth de Thibaut Wohlfahrt et Samir Youssef
Ziad est libanais mais il vit en Europe depuis plusieurs années déjà. Lorsqu’il revient dans son village natal pour rendre visite à sa famille, il prend rapidement l’ampleur de la situation.
Dès les premières secondes, le ton est donné. Après avoir passé un premier contrôle, Ziad se voit contraint de continuer à pied. Pour son chauffeur, il n’est pas question d’aller plus loin. Et pour cause, cette région montagneuse du nord du Liban, toute proche de la frontière syrienne, est en proie à des conflits avec les militants djihadistes. Venu annoncer la future naissance de sa fille à sa mère et son jeune frère, Ziad se retrouve confronté à une réalité qui n’était plus la sienne.
Le décalage est là, il est indéniable. Les années ont passé et le fossé n’a cessé de grandir. Ziad ne semble plus à sa place, même pour les petites choses de la vie. Si bien qu’il reste immobile devant le poulailler, démuni, probablement plus très habitué à tuer sa viande lui-même. Dans un plan large, la colorimétrie travaillée renforce cette idée de décalage. Durant cette séquence, Ziad traverse un village aux accents de film négatif, comme un paysage figé, meurtri, dans lequel le jeune homme détonne.
Rami, son jeune frère, s’est engagé dans une milice locale. Tous sont des amis d’enfance de Ziad, pas forcément militaires mais contraints, par la force des choses, à prendre les armes pour défendre le village.
Récompensés du prix de la meilleure mise en scène lors de la dernière édition du FIFF, les deux réalisateurs livrent un premier film très fort dont la tension dramatique ne cesse de grandir au fil du récit. À l’écriture, on retrouve le duo de réalisateurs. On sent l’empreinte du romancier libanais, auteur du roman Brûlures de neige, dans lequel il abordait déjà sa ville natale, et les échos de la guerre, de l’autre côté la frontière. Actuellement en pleine mutation - notamment dans la région nord du pays, du côté de Tripoli - le Liban est un pays aux enjeux complexes, dont la cohabitation des différentes religions et les divisions territoriales ne facilitent pas la quiétude.
Bruxelles-Beyrouth est un film très riche, dont le parti-pris intéressant est d’aborder, de l’autre côté, la question de la migration. L’histoire de ceux qui restent, et de ceux qui reviennent, avec tout ce que cela implique. Car depuis qu’il est parti, Ziad est déchiré en deux. D’un côté, la Belgique, sa compagne, et son futur enfant; de l’autre son village natal et sa famille. Une tout autre vie, plus vraiment la sienne. Le court-métrage souligne très justement cette triste et implacable vérité : partir c’est accepter d’être un étranger là où on va et là d’où l’on vient.