Bus Campus, Stéphanie De Smedt, 2019

Ils sont nombreux, âgés de 9 à 12 ans, à réclamer plus de savoir, à se montrer curieux de nouveaux environnements, par le désir d’apprendre et de préparer leur avenir. Majoritairement issus de l’immigration, ces enfants ont déjà été largement bousculés, si bien qu’ils adoptent l’éducation comme un sujet sérieux, propre à l’épanouissement à l’accomplissement personnel. Après avoir subi une rupture familiale, relationnelle et culturelle, l’université leur apparaît comme un nouveau repère, chargé de curiosités, auquel ils peuvent s’attacher avec un sentiment de confiance. Sur place, ils sont conviés à confronter leurs opinions sur des notions d’égalité, de religion, de morale. Les questions d’identité et d’appartenance sociale sont également prédominantes dans la démarche pédagogique, de même que dans les intentions de réalisations. Les réflexions engagées continuent d’animer ces enfants dans leur temps libre, sous la caméra discrète de Stéphanie De Smedt. Il est donc intéressant de percevoir ici une réussite du processus documentaire : les enfants, plus que les adultes, oublient qu’ils « sont » dans un documentaire et adoptent une attitude spontanée. Ces instants sont très précieux, car ils permettent de comprendre le climat dans lequel vivent ces enfants en dehors de l’école, ainsi que les valeurs que leurs parents leur transmettent.

En allant jusqu’à interroger leur intériorité, Stéphanie De Smedt laisse entrevoir leurs craintes, pour partie liées à des mécanismes d’éducation ou des schémas familiaux (parfois inconscients). Ces derniers reposent sur des principes dont les enfants ne comprennent pas toujours les fondements ni la légitimité. Alors ils les mettent en relation avec des faits dont ils ont connaissance dans le monde, notamment les conflits d’un pays à un autre, d’une religion à une autre.

Stéphanie De Smedt intègre également certains espaces familiaux, capturant des scènes parfois bouleversantes, faites de récits de vie, de discussions entre parents et enfants, de passé et de futur. Des vies qui sont pour la plupart coupées en deux, entre l’expérience du pays d’origine et l’expérience de la Belgique ; certaines connaîtront même un dernier chapitre, à savoir le retour. Tandis que les uns embrassent leur « nouvelle vie », d’autres la subissent. 

Bus Campus se place alors dans le sillage du projet pédagogique de l’ULB, en explorant la sensibilité des enfants qui est souvent révélatrice, dans ses interrogations, de problématiques fondamentales aux dimensions internationales ; quelque chose d’immense qu’ils portent sur le dos et dont on tente de les alléger. En situation de dialogues au sein de l’université, ils en viennent à questionner les notions de famille, de carrière, d’argent, de croyances, et finalement de déterminisme.    

Stéphanie De Smedt offre donc un film qui s’intéresse davantage aux questions qu’aux réponses qu’il apporte. Construit avec finesse et lucidité – la réalisatrice semble par moments isoler certaines failles du projet de l’ULB –, il propose l’immersion dans une expérience pédagogique qui parle du monde dans sa globalité et dans sa plus grande diversité.