Charlot, histoire d'un mythe
Charles Spencer Chaplin, « Challychaplin », pour reprendre la belle expression de Garson Kanin, a nourri la vie de bien des enfants et d’adultes à travers le personnage de Charlot. Le célèbre vagabond aux pieds plats, à la petite moustache, au pantalon trop large, à la canne de rotin et au chapeau melon a désormais cent ans. Il a été créé en février 1914 dans les studios Keystone, à la demande de Mack Sennett. Le premier film s'intitulait, Charlot est content de lui. Unissant tragédie et comédie, le personnage de Charlot a connu immédiatement un énorme succès public. Un an après son apparition sur nos écrans, Ben Hecht le surnomme « le dieu de la foule ».
José Moure et Daniel Benda écrivent qu'il faut séparer Charlot du réalisateur Charlie Chaplin, lequel a réalisé des films qui se détachent de son personnage mythique comme Le Dictateur, Monsieur Verdoux, Les feux de la rampe ou La comtesse de Hong-Kong. Les deux auteurs soulignent que le mythe de Charlot est lié à la naissance du cinéma, l'ombre noire d'un clown qui bouge, existe et est projetée sur un écran blanc. Une silhouette qui, un siècle plus tard, continue à nous montrer les débuts du septième art lorsqu'il était en noir et blanc et muet.
Beaucoup de livres et de chapitres dans les encyclopédies du cinéma nous expliquent les différents aspects de Charlot. D'où l'excellente idée de José Moure et Daniel Banda de publier une anthologie des textes qui lui ont été consacrés depuis 1915 jusqu’à la fin des années 60. Le livre s'articule autour de trois chapitres : Naissance et évaluation d'un mythe, Charlot dans son siècle, L'art de Charlot.
La Chaplimania se distribue aussi bien chez les écrivains, les philosophes que chez les critiques de cinéma. Dans ce flot de commentaires, citons quelques critiques de cinéma dont on nous offre des extraits, Jean Epstein, Louis Delluc, Siegfried Kracauer, Bela Balazs, André Bazin, Eisenstein. Parmi les hommes politiques, Winston Churchill. Chaque texte est précédé d'une dizaine de lignes situant l'auteur de l'écrit.
Citons un petit extrait du texte d'Edgard Morin sur Chaplin dans Les Stars :
« Le héros comique est innocent comme Isaac, Iphigénie, l'Agneau mystique. Souffre-douleur, il reçoit coups et outrages. Il pâtit en permanence pour autrui. Son supplice déchaîne les rires, aussi ou plus libérateurs que les larmes. Sujet d'une possession qui le dépasse, le héros comique représente, non pas le profane, mais le négatif du sacré, le profané. »
(1)José Moure et Daniel Banda ont publié deux livres chez Flammarion : Le Cinéma : naissance d'un art, Le Cinéma : l'art d'une civilisation.
Charlot : histoire d'un mythe, textes choisis et présentés par Daniel Benda et Jose Moure, éditions Flammarion, Collection Champ/arts.