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Cinéma, autopsie d’un meurtre de Pascal Merigeau

Publié le 13/07/2007 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Livre & Publication
Cinéma, autopsie d’un meurtre de Pascal Merigeau

Cinéma, autopsie d’un meurtre

« Le phénomène est mondial : il y a de moins en moins de films de création et la tentation est grande de baisser les bras. Il serait peut-être temps de lancer un mouvement révolutionnaire cinématographique international ». Tsaï Ming-Liang, Le Monde (6 juin 2007). 

Pascal Mérigeau, critique de cinéma au Nouvel Observateur vient d’écrire "Cinéma, autopsie d’un meurtre". Un constat sur un cinéma boosté par le profit rapide du commerce. « Ce n’est pas que le cinéma ait cessé d’être un art pour n’être plus qu’une industrie, il lui arrive encore d’être un art, mais il a cessé d’être une industrie pour n’être plus qu’un commerce », écrit Mérigeau dans l’une de ses pages ravageuses. En effet, les marchands de soupe, de plus en plus nombreux, préfère dissoudre le cinéma dans l’audiovisuel quitte à vous démolir la rétine pour rendre leur profit plus juteux. Comme l’écrit Mérigeau : « Le produit audiovisuel doit rafler la mise au premier regard, le film de cinéma doit séduire et intéresser pendant deux heures et utiliser pour cela, les techniques de narration les plus variées, jouer du désir et de l’attente, miser sur la disponibilité et l’intelligence du spectateur, ce pour livrer de la nature humaine des reflets qui rendent compte de sa complexité. La confusion entre les deux n’existe que du point de vue du marché qui a réussi à l’imposer. Du moins, les marchands le croient-ils ».

Cela nous rappelle le rapport entre le cinéma comme œuvre d’art et la communication ou l’information. Gilles Deleuze nous l’a expliqué dans "Qu’est-ce que l’acte de création ?" (conférence devenue célèbre donnée à la FEMIS en mars 1987). « L’œuvre d’art n’a rien à faire avec la communication. L’œuvre d’art ne contient strictement pas la moindre information. En revanche, il y a une affinité fondamentale entre l’œuvre d’art et l’acte de résistance. Alors, là, oui ».

Curieuse époque où le cinéma passé d’une logique d’œuvre d’art à une logique de diffusion nous offre une image blindée du monde, saturée de sens provoquant une sorte de narcose. Les grosses productions cinématographiques et les blockbusters sont célébrés par la télévision (nous ne parlons pas de la critique, mais des agents de marketing qui maquillent le matraquage promotionnel en information). Les films de création étant toujours un peu la même chose.  À la télé, les émissions sur le cinéma osent tout et n’importe quoi. Ahurissant ? Le pinacle du caramel mou, sauf l’exception ARTE et depuis peu, tous les jours, l’excellente émission d’Arte-Belgique (Quai des belges).

Comme le dit ironiquement Pascal Mérigeau : « en clair, les films des frères Dardenne ou de Moretti c’est toujours la même chose, alors que Star Wars, en revanche, c’est à chaque fois différent ». Paroles orchestrées par des olibrius en costume Armani. L’arrogance de la débilité comme gnognote du siècle. Diable, les boutiquiers sont-ils susceptibles de triompher grâce à leur Ciné de la fortune ? Resterons-nous dans la foire des poires ? La fureur des nénettes ou le blabla des cousins ?

Tout de même Mérigeau voit que quelques cinéastes entretiennent la flamme, qu’il existe encore des producteurs et des distributeurs qui essaient de modifier un système défendu par les apôtres du marché. Depuis plus d’un siècle, le cinéma a tendance à survivre à tous les assauts qui lui ont été prodigués. « Une de ses singularités, qui fait sa grandeur, tient à sa capacité de résistance, qui lui interdit de se mettre jamais au service d’autre chose que de lui-même ».

Heureusement, le cinéma résiste de plus en plus (cela en fait râler les obsédés du commerce et certaines téloches), sans paillettes roudoudou, depuis dix ans grâce aux asiatiques ( Wong Kar-Wai, Tsai Ming-Liang, Jia Zhang-Ke, « Joe » Apichatpong Weerasethakul, Takeshi Kitano, Naomi Kawase , Tsui Hark, Johnie To, Hou Hsiao-Hsien, etc ), grâce à certains américains Michaël Mann, David Lynch ou Gus Van Sant, etc.  et, enfin dans une Europe qui semble sortir desa torpeur :Andreï Zviaguintsev,  Manuel de Olivera (si, si), Christian Mungiu, Nuzi Bilga Ceylan, Jean-Pierre et Luc Dardenne, Jaco Van Dormael, Lucas Belvaux, Christophe Honoré, etc.

La preuve, pas de dissonance du cinéma de création au 60ième Festival de Cannes. C’est reparti mon kiki. Après avoir été dans un four, on mange des petits-fours. Désormais, il y a davantage qu’un cinéma pour nanars, il y a des films qui vous font découvrir un monde, un cinémonde.

Pascal Mérigeau, Cinéma, Autopsie d’un meurtre, éd. Flammarion.