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Comédien doubleur, mode d'emploi

Publié le 10/05/2021 par Constance Pasquier et Solenne Deineko / Catégorie: Métiers du cinéma

On connaît tous leurs voix : celle d’un personnage de dessin animé, d’une série Netflix, d’un blockbuster ou encore d’un film d’auteur étranger. Ces voix, ce sont celles des comédiens de doublage. Au sein de cette discipline, pour laquelle on a tendance à croire à tort qu’une belle voix suffit, se cachent des artistes confirmés. Ce sont des comédiens d’abord, car le doublage demande des capacités oratoires et de jeu théâtral indéniables, ce sont des chanteurs parfois. Il faut être également capable de suivre la bande rythmo (le texte qui défile), de se mettre dans le personnage en ayant vu la scène une seule fois, deux ou trois tout au plus. Il faut pouvoir transmettre ses émotions à travers sa voix uniquement et s’oublier pour se mettre au service du personnage ou de l’acteur devant la caméra. Du talent, du travail, de l’humilité, telles sont les qualités des comédiens de doublage.

Léonor Bailleul, Sébastien Hébrant et Nathalie Stas nous font découvrir les dessous de ce métier qui gagne, au fil des ans, ses lettres de noblesse.

On s’est sans doute tous dit un jour à quel point ce devait être amusant de prêter sa voix à des personnages de dessins animés. Pourtant, cet exercice qui paraît si simple demande en réalité de l’entraînement et de la pratique. Mais surtout des capacités de jeu. C’est pour cette raison qu’on les appelle des comédiens de doublage, et non des doubleurs, comme on a tendance à l’entendre et à le dire au premier abord.

 Sébastien Hébrant © Constance Pasquier/Cinergie

 

« Il y a un phénomène étrange en doublage […] dès que tu te retrouves debout à la barre, il n’y a plus rien qui sort. » - Sébastien Hébrant

 

En effet, cet exercice paraît bien simple vu de l’extérieur. Mais le comédien doit être capable de suivre le rythme imposé par la bande rythmo et d’essayer d’être au maximum synchronisé au mouvement des lèvres des personnages, bien que l’ingénieur son puisse toujours un peu arranger ce problème. Le tout en jouant, en se mettant dans la peau de quelqu’un d’autre et en transmettant des émotions. Se mettre dans la peau de quelqu’un n’est de toute façon pas un acte facile, il l’est encore moins lorsque cela doit être fait en très peu de temps. Et pour cause : les comédiens de doublage ne savent généralement pas à l’avance ce qu’ils vont doubler et ne voient pas le film en entier. Ils n’en visionnent que quelques séquences, celles dans lesquelles leur personnage apparaît. C’est notamment là que le directeur artistique (ou DA) intervient : il remet la scène en contexte, expliquant au comédien ce qui s’y passe et comment le personnage se sent. C’est un réel échange qui se déroule entre les deux : le comédien joue, propose, le DA veille à la cohérence et à la justesse. 

Pour être capable d’incarner quelqu’un et de transmettre des émotions, le travail du corps est également important pour le comédien. Bien qu’on ne la voie pas derrière le micro, la posture a une influence et les interprètes tendent alors à se mettre, un tant soit peu, dans celle de leur personnage. Quelqu’un portant un jogging et des baskets, ne se tiendra pas de la même manière qu’un autre vêtu d’un costard. Certains n’hésitent donc pas à aller dans les détails. C’est le cas de Dorothée Pousséo pour Le Loup de Wall Street de Martin Scorsese. Alors qu’elle prêtait sa voix à Margot Robbie, elle est venue enregistrer en hauts talons, car son personnage était toujours très élégant et… en talons.

 

Léonor Bailleul © Constance Pasquier/Cinergie

 

« C’est vraiment de la direction d’acteur. Tu vas proposer quelque chose et le DA va te dire : il faut lui donner une voix un petit peu plus jeune. Ok, alors, il faut donner une voix un petit peu plus jeune ! » Léonor Bailleul

Il n’est pas rare que plusieurs comédiens doublent un même personnage, pour des raisons de disponibilités au moment de l’enregistrement par exemple. Mais c’est un phénomène qui arrive surtout quand le film comporte des parties chantées. Dans le cas où les chansons sont traduites, en général dans l’animation, le comédien qui prête sa voix au personnage n’est pas forcément chanteur. S’il l’est, alors il doublera la voix parlée et chantée. S’il ne l’est pas, un chanteur sera engagé pour doubler les chansons. À ce moment-là, on essayera de trouver des voix qui correspondent et se ressemblent.

Au-delà du chant, savoir moduler sa voix permet d’avoir accès à une panoplie de rôles différents, et surtout des rôles d’animation pour lesquels la modulation est appréciée. Il est d’ailleurs fréquent que des femmes doublent des petits garçons. C’est le cas de Brigitte Lecordier, une comédienne française, qui incarne San Goku de Dragon Ball ou encore Oui-Oui. Mais le travail du micro et de la voix ne s’arrête pas là, un comédien peut aussi être amené à faire de la voix-off, de la voice over ou encore des livres audios. 

Que ce soit dans le théâtre, le cinéma, la comédie musicale, la publicité ou encore le doublage, il n’est jamais désavantageux d’avoir plusieurs cordes à son arc pour continuer à faire ce qu’on aime, de différentes manières. 

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