Cinergie.be

Rencontre avec Cécile Van Caillie, affichiste

Publié le 01/11/2019 par David Hainaut et Constance Pasquier / Catégorie: Métiers du cinéma

"L'affiche d'un film, c'est la première chose que le spectateur voit"

 

Plus que jamais, au sein d'un monde peuplé d'images, l'affiche d'un film revêt toute son importance. Dans ce registre particulier, le travail - et donc le nom - de Cécile Van Caillie circule de plus en plus, auprès des producteurs et réalisateurs belges.

 

Depuis sa première affiche conçue il y a sept ans à la demande d'un ami - le réalisateur Valéry Rosier -, cette graphiste vivant à Charleroi a multiplié et varié les projets liés au 7e art, du court (Avec Thelma, Le Cri du Homard, Kapitalistis, Icare, May Day, Vihta...) au long-métrage (Je me tue à le dire, La Grande Messe, Parasol, The Room, Vacancy...), en passant par des séries (La Trêve 1 et 2) et même des festivals (BRIFF, FIFF...).

 

C'est à la brasserie du cinéma carolo le Quai 10, où cette diplômée de Saint-Luc à Bruxelles prend parfois ses quartiers, que nous sommes allés à la rencontre de cette discrète artiste de 37 ans.

Cinergie : Le point de départ de votre carrière d'affichiste se situerait donc en 2012, à la simple demande d'un ami réalisateur...
Cécile Van Caillie: Oui, j'ai commencé avec Valéry Rosier qui à l'époque, avait besoin d'une affiche pour son court-métrage Dimanches, sélectionné au Festival de Cannes. Ça a été une belle première expérience, qui m'a permis de rencontrer dans la foulée son producteur, Nicolas Guiot qui, visiblement content de mon travail et lui-même réalisateur d'un court-métrage, Le Cri du Homard (NDLR: César du meilleur court-métrage en 2013), m'a à son tour demandé de faire le visuel de son film. Et vu que son film était en partenariat avec la société Hélicotronc (La Trêve), également satisfaite elle aussi, j'ai alors rencontré ses deux producteurs, Julie Esparbes et Anthony Rey, pour qui je suis devenue par la suite graphiste d'une bonne partie de leurs films. Dans ce milieu où tout le monde se connaît, on peut donc dire que c'est le bouche-à-oreille qui a fonctionné pour moi (sourire). Et en 2014, j'ai quitté un travail dans le secteur privé pour créer ma propre structure, Carambolage...


C. : Pourquoi ce nom ?
C.V. : (Sourire) Je savais que vous me poseriez cette question ! En fait, comme le milieu artistique m'a toujours intéressé, je cherchais un nom original et percutant. Carambolage pour moi, cela signifie en fait beaucoup de choses : qu'il s'agisse d'une affiche, d'un logo ou d'un identité graphique, ce travail naît d'abord de la rencontre avec un client, qui est donc souvent un réalisateur. Et lors de ce croisement, il y a une sorte de mélange d'idées, où chacun vient avec ses références et ses ressentis. Du coup, moi, à partir de ce "brouhaha", j'épure le tout et je sélectionne ce qui doit ressortir, si possible quelque chose de simple et pur. Donc voilà, "Carambolage", ça résume un peu tout ça...


C. : Et concrètement, quand un réalisateur ou un festival fait appel à vous, comment cela se passe-t-il ?
C.V. : Il n'y a pas vraiment de règles établies, c'est très variable. Si je prends par exemple le Festival de Namur, l'événement me demande de respecter certains critères, comme son cheval, représentant son prix (le Bayard d'or), et sa couleur, rose magenta. Une réunion se fait 8 à 9 mois au préalable, histoire de voir vers quoi on part au niveau de la typographie, et du reste. À partir de là, on me laisse pas mal de libertés et je propose alors au minimum trois directions différentes. Soit cela convient, soit on recommence tout, ça arrive (sourire)...


C. : Le Festival de Namur semble être un de vos clients les plus importants...
C.V. : Depuis cinq ans, oui. Pour eux, je bosse sur toute la communication graphique. Cela passe par la réalisation de l'affiche, mais aussi par l'identité visuelle du festival, les catalogues, la décorations, les roll-ups placés en ville, l'habillage du chapiteau, les flyers... À cette période-là de l'année, je dois d'ailleurs engager quelqu'un pendant un mois (NDLR: Camille Stoffel), pour m'épauler. Car la première année, j'ai eu le tort de faire ça toute seule en ayant accepté trop d'autres commandes, et j'ai fini avec une tendinite au poignet !


C. : En ce qui concerne les affiches de film, on imagine que vous devez nécessairement visionner les œuvres, avant d'entamer votre travail...
C.V. : Toujours. Une à deux fois, et de préférence en les regardant seule, tranquillement sur mon ordinateur, ce qui me permet de prendre des notes et de faire des captures d'écran. Dans un deuxième temps, je rencontre de visu le réalisateur, parfois accompagné de son producteur ou même de son distributeur. Cela peut parfois se faire par écrans interposés comme je l'ai fait avec la Parisienne Ilana Navaro pour son documentaire Joséphine Baker, première icône noire. Pour un réalisateur, un film est un bébé et son affiche est quelque chose d'important, car ça reste quand même la première chose que le spectateur verra. Le travail d'échange commence à partir d'une première réunion, et petit à petit, je fais des recherches. Ensuite, tout est possible : pour La Trêve, j'ai par exemple fait près d'une cinquantaine de propositions à partir des images de la série. Mais on peut tant partir d'une capture d'écran que d'un dessin, comme pour le documentaire La Grand Messe. Et mon travail reste exactement le même, tant pour un court, qu'un documentaire ou un long-métrage.


C: Vu vos sollicitations, toujours plus nombreuses et avec des délais à respecter, votre travail doit réclamer une certaine organisation et pas mal de discipline, non ?
C.V .: Oui, mais là encore, tout dépend des situations ! Une chose est sûre, j'ai un peu de mal quand un réalisateur ou un producteur me demande quelque chose à créer en deux semaines. Si cela arrive, je le mets en garde, en lui précisant que je ne peux rien promettre. Car si une affiche peut prendre trois jours à faire quand l'idée vient directement, cela peut parfois prendre plusieurs mois ! On ne peut difficilement prévoir ce genre de choses. Puis, il faut que l'affiche corresponde aux attentes de chacun. Et que je sois contente, c'est-à-dire que je puisse retrouver ma patte, aussi.


C. : Il ne vous est pas encore arrivé d'aller vous-même vers un réalisateur ?
C.V. : Pas encore ! Pour l'instant, j'attends, parce que cela tourne bien comme ça. Mais je me suis quand même déjà dit qu'il faudrait un jour que je fasse ma pub (sourire). Ceci dit, je viens tout juste de commencer un nouveau travail pour Versus Productions, en faisant l'affiche belge d'un long-métrage (The Room), avec Kevin Janssens et Olga Kurylenko. Cela s'est bien passé, donc j'espère poursuivre là aussi. Après, même si le cinéma en Belgique reste encore divisé, j'avoue que je serais ravie de travailler un jour pour des réalisateurs néerlandophones...

 

C. : Au final, le cinéma occuperait quel pourcentage de votre temps ?
C.V. : Environ 65%, je dirais. Au-delà des affiches, je travaille aussi sur les génériques et l'habillage de films, voire même sur des invitations et des dossiers de presse. Le reste du temps, toujours depuis un bureau à domicile, je m'occupe de logos ou de travaux graphiques pour des ASBL, des avocats, entreprises, des privés. C'est vraiment un peu de tout, en fait !


C. : De voir circuler ses affiches un peu partout, c'est ...
C.V. : ...gratifiant ! C'est tout de même une petite fierté de voir apparaître ses affiches sur des murs, sur les réseaux sociaux (Facebook, etc...). L'affiche d'Icare par exemple, un court-métrage qui a été présélectionné aux Oscars, a eu pas mal d'impact, comme celles de La Trêve, évidemment. Avoir des retours de gens qui remarquent ou vous parlent de certaines de vos affiches, c'est toujours agréable!

 

Site de Cécile Van Caillie: http://carambolage.be/