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Dernier Voyage au Laos à Millenium

Publié le 03/05/2022 par Bertrand Gevart / Catégorie: Critique

Dans le court-métrage documentaire Dernier Voyage au Laos, la réalisatrice Manon Saysouk parcourt le passé de sa famille et se plonge cinquante ans en arrière dans les méandres de l’histoire. À partir d’un travail intermédial entremêlant photographies, archives personnelles, mots et dessins, Manon Saysouk file les souvenirs sur les traces de son grand-père Singkéo. 

Dernier Voyage au Laos à Millenium

C’est presque naturellement que le film s’ouvre sur une conversation entre la réalisatrice Manon Saysouk et son père, deux générations qui font face à l’histoire et l’oubli. Alors que l’une est en prise directe avec la mémoire, l’autre se débat avec la post-mémoire.

À travers des bribes de souvenirs du père de la réalisatrice qui essaie de les incarner dans des dessins inachevés ou incomplets, Manon Saysouk installe immédiatement au cœur de son film une forme d’indétermination multiple (du film, du souvenir, de la mémoire, du devenir du médium cinéma) entre la mémoire qui s’efface, les dessins qui ne ressemblent pas aux souvenirs, et le film « en train » de se faire. Le travail sur l’intermédialité donne vie aux dessins par l’animation venant ponctuer le film, illustrant de manière organique la séparation, le déchirement, le déracinement et puis les liens de l’histoire, malgré tout. S’ensuivent alors plusieurs séquences où la réalisatrice s’entretient avec sa grand-mère dont le récit nous plonge dans la dictature communiste et la rencontre avec Singkéo. Partie au Laos dans les années 70 avec le grand-père de la réalisatrice, elle y a vécu cinq ans avant l’avènement du parti révolutionnaire populaire. Et puis, le retour en France, sans jamais revoir Singkéo. 

Les dispositifs filmiques nous emportent dans le passé de sa grand-mère, comme un voyage à travers ses souvenirs qui tissent l’ensemble des séquences : les images d’archives s’entremêlent aux photographies, les récits se croisent, et interrogent la séparation et le déracinement de la famille et le besoin, pour Manon Saysouk de revenir sur ses traces et les interrogations liées à cette mémoire. Au fil des souvenirs, les animations reviennent et prennent vie, les membres de la famille se transforment en silhouettes et se rapprochent inexorablement.

Dernier Voyage au Laos est un film très personnel et intime, entre le souffle dévastateur de l’histoire et le film de famille, un film de mémoire dans lequel la réalisatrice marque sa présence par sa voix faisant le lien entre toutes les couches de souvenirs.

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