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Dichtvorm : Met mijn kwantorslag de Peter Van Luffelen

Publié le 03/03/2008 par Grégory Cavinato / Catégorie: Critique
Dichtvorm : Met mijn kwantorslag de Peter Van Luffelen

Cette année, au Festival Anima, furent présentés dans la catégorie des courts métrages d’animation belges, une série de travaux regroupés sous l’appellation “Dichtvorm” (la forme poétique). Ces sept (très) courts métrages, ne dépassant jamais les 2 minutes 30, sont inspirés de poèmes en langue néerlandaise et explorent, à partir de ceux-ci, le rapport entre les mots, la forme et la musique. Les jeunes animateurs improvisent, expérimentent et à une ou deux reprises, radotent et pontifient pour mettre en image ce que les mots leur inspirent.

Dans la série, produite par Geert Van Goethem (S.O.I.L.), on retrouve donc par ordre alphabétique : Adembeneming (Prise d’haleine), de Kristof Luyck, Blauwblauw (Conte Bleu) de Sandy Claes et Daan Wampers, Een Moeilijk Verstaanbaar Bericht (Un Message à Peine Audible), de Bram van Rompaey, Getekend (Signé), de Pieter Coudyzer, Onderwater (Sous-Marin), de Reinout Swinnen et Spuiten op het Middenstuk (Charger sur les Parties Médianes), de Joris Cool. Recherches esthétiques, expérimentations visuelles, humour, poésie… À deux exceptions près, ces « Dichtvormen » font preuve d’inventivité et d’audace aussi bien sur le fond que dans la forme.

Mais le plus intéressant et le plus réussi d’entre eux s’intitule Met mijn kwantorslag (Coup de Cadrans) au cours duquel un corps humain tente de se libérer d’un nœud de gribouillis et de traînées d’encre. Luttant pour sa survie, le corps dessiné essaie de combattre son créateur qui a décidé de l’effacer… Un postulat de départ déjà visité dans des œuvres aussi diverses que Monty Python and the Holy Grail (le fameux gag où le terrible monstre, The Black Beast of Aaaaarrrrrrggghhh prêt à dévorer les chevaliers, meurt subitement quand Terry Gilliam, son animateur, meurt d’une crise cardiaque à sa table de dessin ! ) ou encore le récent Stranger Than Fiction (L’Incroyable Destin de Harold Crick) dans lequel Will Ferrell découvre qu’il est le héros pathétique d’un roman et que sa créatrice, Emma Thompson a décidé de le faire disparaître à la fin du livre…

Mais les références thématiques du réalisateur Peter Vanluffelen se dirigent ici plutôt vers l’univers biomécanique de David Cronenberg. Autrement dit, il nous montre le corps humain en mutation, contaminé par une autre forme de vie, ici par les traces de crayon et de couleurs utilisées par le dessinateur pour tuer sa créature. Les thèmes chers au cinéma du génie canadien sont repris ici en un peu moins de deux minutes pour une espèce de petit clip très impressionnant : les mutations engendrées sur la chair, le processus de mort / renaissance, l’attirance pour la monstruosité, les organes, les délires du corps, ses transformations, la contamination, la maladie, les références au thème de l’affrontement créateur / créature inspirées du Frankenstein de Mary Shelley… Cronenberg signait au début des années 70 une série de courts métrages (Transfer, Stereo, From the Drain…) qui ne sont pas si éloignés dans l’esprit de ce Met mijn kwantorslag.

Visuellement, on pensera plutôt à divers manga, mais surtout au Hollow Man (L’Homme sans Ombre) de Paul Verhoeven, pour la radicalité et la minutie de la dépiction de l’anatomie humaine, ou aux deux Tetsuo, de Shinya Tsukamoto. La fin du film, particulièrement pessimiste (comme souvent lorsqu’une créature de cinéma est confrontée à son créateur) clôt ces 113 secondes virtuoses.
Espérons que les « Dichtvormen » réapparaîtront un de ces jours sous la forme d’une anthologie en DVD.

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