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Entre vous et moi, entre nous – la rencontre avec Marie Limet de Maria Balazova

Publié le 12/11/2019 par Ruben Thomas / Catégorie: Critique

Ce court-métrage, signé Maria Balazova, est un projet de 3e année de la section vidéographie de l'école audiovisuelle Agnès Varda. Un essai expérimental autour d'une autre artiste, Marie Limet, comédienne et danseuse.

« Vous et moi, on est différent, mais vous ne le savez pas encore ».

 

Entre vous et moi, entre nous – la rencontre avec Marie Limet de Maria Balazova

Dans la pénombre, seule la robe écarlate de Vera se détache. Elle retire délicatement sa prothèse, puis se défait de sa perruque, comme une mise à nu. Bientôt, des jeux d'ombres et de lumières dessinent par intermittence les courbes de la jeune femme et son bras, inachevé. Née avec un handicap (amputation congénitale), Marie Limet trouve, à travers le personnage de Vera, la force et le prétexte pour aborder sa différence, l'afficher en pleine lumière, pour mieux la faire oublier. La caméra panote lentement jusqu'au sol, montrant le vestige de ses artifices - «Ce que l'on est prêt à mettre entre soi et l'autre pour se sentir aimer et appartenir au monde» - dont elle a décidé de se passer ce soir.

"Tout le monde ça n'existe pas" est un seul en scène sans détour, le point de départ du projet de Maria, étudiante de l'institut Varda. Construit à partir d'extraits du spectacle, le court-métrage propose une réinterprétation personnelle et inédite, la caméra et le montage comme nouvelle relation au corps. Aux images, Maria ajoute un travail sonore ainsi que des passages d'interviews de Marie Limet, comme une voix off involontaire. Plus qu'une simple capture, il s'agit bien d'une nouvelle dimension artistique, greffée sur une première oeuvre, comme un collage d'émotions. Les fondus enchaînés s'entremêlent et dédoublent le corps, faisant écho à la dualité artistique qui habite le spectacle. Celle de Marie et Vera, l'interprète et son personnage, comme la projection d'un autre soi, plus fort, décomplexé et prêt à affronter le regard des autres. «Il n'y a rien de plus parfait que la nature, moi, j'appartiens à la nature». Le montage matérialise également cette lutte intérieure incessante, ce paradoxe qui habite l'esprit de son hôte. Celui d'accueillir cette différence sans en être otage. Une caméra, c'est aussi une proximité que ne pourra jamais offrir la scène, une frontalité sans détour.

À travers ce projet, la jeune réalisatrice livre un témoignage intime, bien plus universel qu'il n'y paraît. L'idée forte que le vrai handicap est dans la peur des gens, et qu'afficher sa fragilité est certainement la plus grande des forces. Difficile cependant de juger davantage des qualités de réalisation, tant le court-métrage repose sur la force du seul en scène. Sélectionné à la première édition du Springboard Short Film Festival en mars 2019, ce premier essai, tout en délicatesse, en appellera peut-être d'autres davantage imprégnés de son auteur.