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Et Arnaud de Thomas Damas

Publié le 28/04/2020 par Bertrand Gevart / Catégorie: Critique

Et Arnaud  

Pour son premier documentaire en tant que réalisateur, Thomas Damas pose un regard doux sur son frère Arnaud qui souffre d’une addiction à l’alcool. Un film envisagé comme un portrait, comme une rencontre pour mieux comprendre les errances et les flous qui les séparent. Quel regard poser sur l’autodestruction d’un proche ?

Le regard complice d’Arnaud à la caméra nous plonge immédiatement dans ses pensées, celles d’un jeune homme en perdition, à la recherche des causes de sa propre addiction, de comprendre sa descente. La voix-je du réalisateur se fait timidement entendre. Ils débattent de Bukowski et des raisons de boire. Thomas Damas suit son frère dans un quotidien morose, rythmé par les passages d’un état à un autre, où la boisson dicte chaque geste, chaque parole. Canette de bière à la main, état d’ébriété, titubant le long du canal ou dansant, toujours défoncé, Arnaud vit ses errances sans bruit, comme une impossibilité de partager sa souffrance. Au fil du film, le réalisateur apparaît de plus en plus dans le cadre, un double portrait, en miroir entre deux frères. Mais Thomas semble impuissant, il tend la main pour relever son frère qui a trop bu. 

À deux, ils reviennent sur des souvenirs d’enfance. La relation qui se dessine est bienveillante, amicale et, en même temps, marquée par un point de rupture. Deux chemins qui se séparent. Thomas Damas parvient à faire surgir de ce quotidien le nœud du mal-être général de son frère provenant d’un rapport difficile avec la famille. L’originalité du film tient dans la puissance de son récit et de la relation qu’entretient Arnaud avec son frère, mettant en scène le portrait intime d’un anti-héros, un anti-film de famille, puisqu’il montre subtilement, par un appel téléphonique, l’implosion et ses conséquences sur le noyau familial. Le réalisateur lui confesse, qu’en faisant ce film, c’est bien Arnaud qui l’aide aussi à aller mieux. La séquence finale transporte le film vers un pan périlleux, encore inexploré, celui de l’espoir, mais la tension reste palpable, même si les deux frères jouent de la musique à l’unisson. L’auteur de Et Arnaud offre un portrait intime, sensible, remarquable, car il parvient tout au long de son documentaire à maintenir dans chaque image un être en crise.

 

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