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Glenn 3948 de Marc Goldstein

Publié le 04/06/2009 par David Hainaut / Catégorie: Tournage

Début 2007, entre une brasserie désaffectée de Louvain et une salle de concert reconstituée à Flagey, Marc Goldstein filmait les premiers plans de Glenn 3948, son tout premier long métrage, dans le registre peu habituel de la science-fiction. Avec un casting très international, composé de Billy Boyd, héros du Seigneur des Anneaux, Patrick Bauchau, l’un des plus hollywoodiens des acteurs belges (Panic Room, Ray…) et Gérard Depardieu en personne. Deux ans plus tard, le projet se boucle !

Aujourd’hui en finition – le réalisateur termine le mixage son -, ce film tourné entièrement en anglais évoque le duel entre Jack (Billy Boyd) et Henry (Dominic Gould), deux talentueux et célèbres pianistes qui se connaissent depuis le Conservatoire. Mais à la suite d’un événement qui va mettre à mal leur amitié, les deux personnages vont vite devenir des adversaires s’affrontant sans merci, de concours en concours. Jusqu’au jour où leur destin croise une curieuse machine, Glenn, sorte de robot domestique qui va les pousser jusque dans leurs derniers retranchements, tout en leur faisant retrouver un zeste d’humanité. 

À la simple et légitime interrogation "Comment un réalisateur belge peut-il financer lui-même un projet de cette envergure et réunir un tel casting pour son premier film ?", Marc Goldstein répond avec autant de véhémence que de raison. "Je n’aime pas cette étiquette de Belge, qui est propre à notre pays. C’est un peu comme si on était des handicapés à la base !". Mais ce réalisateur de 41 ans, qui s’est illustré jusqu’ici dans des courts métrages (dont la Porte entr’ouverte) et des documentaires, se devait bien de nous fournir quelques explications sur ce projet, exclusivement financé par le Tax-Shelter. À l’aube d’une sortie, espérée pour cette année. 

Cinergie : Marc Goldstein, quelle est la genèse de Glenn 3948, et surtout, comment ce projet a-t-il été réalisable?
Marc Goldstein : On pourrait écrire deux bouquins sur cette aventure. Tout d’abord, j’ai écrit ce film pour me consoler d’un projet plus faramineux encore, mais qui n’a pu voir le jour. Disons que j’ai avant tout tenté de me donner les moyens de mes ambitions, car chez nous, on fait trop souvent contre mauvaise fortune bon cœur. Prenons l’exemple suivant : je veux tourner un film avec une cavalerie de 250 chevaux, mais je ne peux m’en payer que 3. Et bien plutôt que de faire un film avec ces 3 chevaux, moi je me dis : est-ce que je ne pourrais pas en obtenir 250, grâce à des effets spéciaux bien fignolés ? Toutes proportions gardées bien sûr, je suis parti dans cette optique.

C.: Mais pour obtenir d’emblée Billy Boyd et Gérard Depardieu, il s’agissait d’avoir une certaine force de conviction, non ?
M.G. : Oui. Je suis allé voir tous les acteurs, à Londres puis à Paris. Mais si Billy Boyd est un personnage central du film, Depardieu a un rôle moins important, puisqu’il joue un journaliste. Ceci dit pour l’avoir, je lui ai téléphoné sans arrêt pendant six mois ! Finalement, il m’a généreusement accordé deux jours, à condition de monter un mini-studio dans son restaurant. Mais pris par un enterrement, il ne m’a laissé que deux heures. J’ai dû tout réécrire en une nuit pour rendre ses scènes exploitables ! Je le concède, je dois avoir un petit pouvoir de conviction qui doit être inné. Mais voilà, je n’ai surtout pas envie d’avoir des regrets en fin de vie à cause d’un coup de fil que je n’aurais pas osé donner !

C.: Parmi vos collaborateurs, on pourrait ajouter Michel Benjamin (Le Peuple Migrateur) ou Jean-Pierre Taïeb, musicien pour Luc Besson. Vous fallait-il absolument tous ces noms ?
M.G. : Pas forcément. Mais je voulais quelque chose qui se vende, en regroupant des gens dont j’étais certain du talent. Je regrette de le dire, mais j’ai dû couper certains seconds rôles qui ne faisaient que réciter un texte. Je ne dis pas avoir la science infuse, loin de là, mais j’ai toujours eu en tête de faire le film que j’aurais envie de voir au cinéma. D’ailleurs, je me suis attribué un tout petit rôle en guise de clin d’œil, mais je trouvais ça tellement nul que je l’ai viré au montage ! J’étais bien triste, d’ailleurs (rire). Pour les scènes de piano, j’ai pris de vrais pianistes, comme Daniel Blumenthal, un des plus grands en Belgique. Ce que je veux dire par là, c’est qu’en plus d’une qualité technique, j’ai essayé de tabler sur un maximum d’exigence. Que le spectateur aime le film ou non, il ne pourra pas dire qu’on s’est moqué de lui. J’ai beaucoup travaillé pour trouver cette brasserie à Louvain, qui aurait été moins coûteuse à Bruxelles. Mais ce décor laissait transparaître une âme incroyable. La preuve, c’est que Jean-Pierre Jeunet y est venu par la suite tourner une pub ! 

C.: Incorporer un robot dans votre film n’a pas dû être chose aisée. Comment y êtes-vous parvenu ?
M.G. : Avec beaucoup de patience ! Initialement, nous avions prévu de faire entre 50 et 70 plans d’effets spéciaux, mais on en a eu 350 ! Ils font donc plus d’un tiers du film (NDRL: qui fera 1h23 au total). On les a bossés pendant des mois… sans parler des dizaines de pages de scénario supprimées avant le montage, de plans flous tournés pour rien, et de scènes tournées à la sauvette en plein cœur de New York, grâce à Billy. Mais à un moment, je me suis rendu compte que ce n’était pas le film que je voulais. J’en ai même pleuré ! On l’a remonté, en bossant beaucoup pour que le robot, héros du film, soit attachant, tout en donnant de l’humanité et de la profondeur à l’ensemble. Même si j’aurais peut-être voulu ajouter plus d’humour, le résultat est au-delà de mes espérances.

C.: On a le sentiment que vous vous mettez en permanence à la place du spectateur. Vrai ?
M.G. : Oui, mais parce que j’en suis un avant tout ! Je songe toujours à ce que je voudrais voir. Quand je paie ma place, je n’ai pas envie qu’on se fiche de moi. Donc logique que j’en fasse autant. Puis, il y a un standard de qualité qui fait un bon film. C’est aussi pour ça que j’ai voulu tourner en scope et en Dolby Digital, tout en glissant beaucoup de noirs et de densité dans le film. Surtout pas comme dans un téléfilm de TF1 ou tout est blanc jusqu’au plafond ! J’ai eu envie de faire un film pour le public, éventuellement jeune, pour qu’il ait un maximum de chance. Je suis sûr qu’on peut offrir de la profondeur tout en distrayant les gens, et je n’ai pas honte de dire que les recettes et l’argent sont aussi la preuve d’un succès. Pourquoi faire un film qui ne rapporte pas, sous prétexte que l’art, le cinéma doit exister ? Et pourquoi ne pas miser davantage sur des films commerciaux, profiter de leurs recettes pour faire des films d’auteur ? Ouvrons le débat !

C.: Vous bouclez en ce moment le film. Peut-on espérer le voir cette année ?
M.G. : Oui j’y compte bien, mais on ne voudrait surtout pas bâcler la fin. Etant donné qu’on souhaite le maximum de qualité, on a décidé de soigner les derniers éléments de la bande-son. La production vient donc de mettre en vente 1% des parts, soit 50 000 euros. J’espère qu’il sortira avant de me mettre en route pour mon deuxième film, qui aura pour héros… un extra-terrestre violoniste !

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