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La série Arcanes se dessine

Publié le 29/08/2024 par David Hainaut, Vinnie Ky-Maka et / Catégorie: Tournage

Jeunesse des séries belges francophones oblige, certaines d'entre elles prennent parfois plusieurs années de préparation, avant leur diffusion. C'est le cas d'Arcanes qui, imaginée en 2018, a enfin vu aboutir son tournage, sur lequel nous nous sommes rendus, au 23ème – des 56 – jour des prises de vue. Plus exactement à Hoeilaart, dans le Brabant flamand, au sein du décor principal. 

Coécrite par un duo inédit, formé par Benjamin Dessy et Michèle Jacob, cette série est la première de la RTBF à être entièrement réalisée par une femme, Jacob en l'occurrence. Une autre, Jasmina Douieb (La Trêve) incarnera l'héroïne centrale, tandis qu'une troisième, Diana Elbaum, l’a produit, avec son comparse David Ragonig, de Beluga Tree.

Au milieu d'une journée ensoleillée de cet été, c'est dans une vaste demeure d'une petite rue insoupçonnable du nord de Bruxelles que nous nous sommes retrouvés, en vue de prendre le pouls du tournage de la série Arcanes. Pour d'emblée être accueillis par le tandem de producteurs de Beluga Tree, composé de Diana Elbaum et David Ragonig. À qui, évidemment, nous avons d'abord demandé si ces prises de vue se déroulaient bien. "On se sent nettement mieux qu'avant le début du tournage!", nous ont-ils répondu. La raison? "Parce que la préparation a été courte et intense. Car ce qu'on est en train de faire ici est la reprise d'un tournage qui aurait dû se dérouler l'an dernier." Il y a près de douze mois en effet, une nouvelle avait fait l'effet d'une petite bombe, tant dans le cinéma belge que pour l'équipe: la maladie – et le forfait, en toute dernière minute – d'Émilie Dequenne, qui aurait dû être l'actrice principale de la série. "Ça a donc été un petit défi de remettre tous les compteurs à zéro. Mais à présent, on est posé et tout se passe bien", ont encore ajouté Elbaum et Ragonig. 

Un projet inspiré de faits réels 

C'est il y a un peu plus de six ans déjà qu'Arcanes a commencé à faire parler d'elle. "Et on est entré sur ce projet dès l'écriture du premier mot!", détaillent nos producteurs. Enchaînant: "Mais voilà, il faut parfois du temps pour développer une série ou un film, surtout quand une épidémie ralentit le processus pendant plus d'un an, qu'on travaille avec des jeunes et qu'il s'agit d'une première expérience pour beaucoup de gens. Dont nous-mêmes, d'ailleurs!". Petit retour en arrière: l'histoire de cette série découle en partie de faits réels, vécus de près par le scénariste Benjamin Dessy (auteur des deux saisons de la série Euh...), qui a connu le démantèlement des Forges de Clabecq, un événement qui a marqué l'actualité belge en 1997. "La série est née à partir de cet épisode, mais elle a énormément évolué depuis", complète Elbaum. "Disons que l'histoire se passe dans une petite ville où tout le monde se connaît, où il y a une lutte des classes, des secrets, des mensonges, etc...Comme à l'époque je cherchais de jeunes talents, j'ai dit oui en recevant ce projet qui sortait des sentiers battus. Plus tard, Michèle Jacob est arrivée, et ils ont repris à deux tout le scénario." Précisons qu'un autre auteur, Brieuc de Goussencourt en l'occurrence, était également présent lors de la première mouture du scénario. 

Une réalisatrice à la barre 

Notamment réalisatrice d'un court-métrage (Juillet 96) et d'un long (Les Enfants perdus), Jacob se retrouve seule à la réalisation de la série. Diana Elbaum s'explique: "Il y avait une logique dans la continuité du scénario. C'est une histoire extrêmement tendue et complexe émotionnellement au niveau des personnages. Donc, ramener quelqu'un d'autre à la réalisation n'en valait pas la peine dans ce cas, selon moi. Michèle gérait tellement bien les enjeux et les missions imposées, qu'entre la fin de l'écriture et le début de la préparation, on a eu l'idée de lui proposer de passer derrière la caméra. Cela peut paraître étonnant, mais tout ce qui est convenu m'ennuie! Et surtout, ceux qui ne travaillent pas avec des femmes ne savent pas à quel point elles sont fortes, intelligentes et ont une capacité de réaction plus rapide. Moins d'ego, aussi. C'est vraiment du bonheur de collaborer avec elle, et je pense que les francophones risquent d'être agréablement surpris par ce que va nous dire cette série. Tant du point de vue de l'écriture, de l'image et de la mise en scène." 

6 X 52 minutes 

À l'occasion d'une pause, dans ce marathon inédit pour elle jusqu'ici, nous croisons alors Michèle Jacob. "Et ça va, je suis toujours vivante!", confie-t-elle. "Je savais d'avance que le chemin serait long donc, je me suis bien préparé mentalement. La question est surtout de s'économiser sur la longueur. Mais on a une superbe équipe et un casting qui l'est tout autant. On savait donc dans quoi on s'embarquait." La réalisatrice est revenue sur sa présence dans le projet. "La RTBF souhaitait un regard féminin, on m'a donc appelé. Puis, on a réécrit la série à deux, en l'inscrivant dans une nouvelle époque, avec un nouveau récit, une nouvelle arène et de nouveaux personnages. On a enchaîné toutes les étapes d'écriture avec la RTBF – et tout s'est très bien passé – avant qu'un pilote ne soit réalisé par Sarah Hirtt et Nicolas Boucart, ce qui nous a permis de réajuster certaines choses. En même temps qu'on a dû abaisser le nombre d'épisodes de 8 à 6. Car suite au report d'un an et aux quelques complications de financement qui ont suivi, on s'est dit que ça serait plus confortable pour tout le monde de réduire un peu la voilure." 

Des personnages identifiables 

Sans dévoiler trop l'histoire, Jacob nous en a confié les contours. "Ça se passe au milieu des années nonante, dans une petite ville wallonne, deux ans après la fermeture d'une usine sidérurgique. Beaucoup de gens se sont retrouvés au chômage, y compris l'ancienne patronne Clémence – jouée par Jasmina Douieb – qui, avec sa famille, voudrait déménager et refaire sa vie ailleurs. D'autant que deux ans plus tôt, à la suite de manifestations, un événement traumatisant s'est produit (...). Bref, la série parlera de famille, de deuils et d'autres choses parfois tristes, mais ces éléments sont compensés par des personnages qui avancent malgré tout. Car dans le récit, il y a toujours un endroit à sauver. Et il y a une enquête aussi, avec des mystères à résoudre. Mais nous, l'objectif qu'on s'est fixé dès l'écriture avec Benjamin Dessy, c'était surtout de suivre cette histoire à travers des personnages, en essayant que chaque spectateur puisse se connecter à l'un ou à l'autre." 

Jasmina Douieb, alias Clémence 

Bien qu'impliquée par son rôle, Jasmina Douieb nous a elle aussi offert un peu de son temps. Précisant d'emblée: "Ils avaient d'abord engagé Émilie Dequenne, mais ayant moi aussi passé le casting initial, je savais que j'étais une autre Clémence potentielle", explique la comédienne qu'on a vue comme psychologue dans La Trêve. "C'est en fait une personne puissante. Je ne pense pas qu'elle abuse de son pouvoir, mais elle occupe une position sociale dominante. Et c'est une femme qui n'est pas tout à fait inscrite dans son époque. On est certes dans les années nonante, mais elle a une mentalité de femmes d'aujourd'hui. C'est donc un aspect intéressant à jouer. Ce n'est pas du tout quelqu'un qui soit soucieux de son apparence. Je ne dois même pas me préoccuper de savoir si j'ai une vilaine ride. Je suis assez contente de pouvoir jouer ça à mon âge - elle en a 51, ndlr -, même si ce n'est pas toujours évident. Car quand on joue une femme, il subsiste encore la question de notre apparence à l'image. Même en 2024, ça reste encore difficile pour une femme de vieillir à l'image. Peut-être que les mentalités évoluent un peu, mais l'apparence féminine reste toujours plus surveillée." Au terme de son long tournage, Douieb reprendra les représentations de Kosmos, un spectacle pour enfants co-écrit avec Lara Hubinont – qui joue également dans Arcanes -, et mettra en scène un autre spectacle en mars prochain à Bruxelles, Les Trois Sœurs, au Théâtre Varia. 

Rendez-vous en 2025 

Outre Douieb, on retrouvera au casting Michelangelo Marchese, Lara Hubinont, François Prodhomme, Hélène Theunissen, Bwanga Pilipili ou Nola Tilman. Entre bien d'autres. Soutenue par la Fédération Wallonie-Bruxelles, la RTBF, Arcanes compte également sur l'apport des fonds régionaux bruxellois (Screen Brussels) et wallon (Wallimage) et a bénéficié d'une aide européenne, qui a emmené le tournage quelques jours en ...Slovénie. La diffusion est prévue courant 2025. Quant à Beluga Tree, la société de production, elle sortira en octobre le long-métrage TKT de Solange Cicurel, finalise un autre (All The Time) en conditions légères de Amélie Derlon Cordina, tout en développant une autre série pour la RTBF (Seule contre tous, 6 épisodes 48), validée par la nouvelle Commission des Séries du Centre du Cinéma, et qui sera écrite par un quatuor: Fanny Desmares, Chloé Devicq, Charlie Dupont et Tania Garbarski.

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