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Gus Van Sant, le cinéma entre les nuages, d'Edouard Arnoldy,

Publié le 11/01/2010 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Livre & Publication

Gus Van Sant

 

Le cinéma entre les nuages d'Edouard Arnoldy propose un essai comme une ballade autour des croisements d'images du cinéma de Gus Van Sant (Mala Noche, To Die for, Elephant ou Paronaïd Park). À la manière de ce prince du cinéma indépendant, l'auteur procède par éclatements de son œuvre et y ajoute des incursions dans certaines des œuvres de Jean Renoir, Ingmar Bergman ou Roberto Rossellini, sans oublier quelques incursions parmi les images de Jonathan Couette (Tarnation) ou de Boris Lehman « un réalisateur protéiforme, photographe et cinéaste hors de toutes les normes ».


À partir d'une photo de Boris Lehman : l'image d'une étendue d'eau, il écrit en regard, cette phrase : « toute photo est un autoportrait ». Arnoldy souligne que dire que « toute photo, face à une image, sans corps, sans visage, face à une étendue d'eau « sans âme vive », n'est pas loin de ce que Renoir fait dire à Dali. Tout autoportrait ne dit rien d'autre : le sujet n'est pas devant l'œil mais là, derrière ».


Chez Gus Van Sant, la forme s'articule souvent autour d'un cercle qui n'est pas que l'œil - bien qu'il soit souvent représenté - mais une boucle : l'échappée dans My Own Private Idaho, Gerry, Last Days se ferme comme elle s'ouvre. Les personnages sont (dans des lieux de transition), « entre la vie et la mort ».

Dans Gerry, les deux Gerry au bord de l'agonie, dans le désert, sont exposés au soleil brûlant comme la pellicule d'une caméra surexposée au soleil. « Les nuages, noirs puis blancs, défilent. Le ciel passe par le spectre des couleurs de la nature. L'éclairage de ces extérieurs est pris dans une sorte de cliquetis, aux limites extrêmes des images cinématographiques ». Quelle est la représentation du signifiant nuage au cinéma après son utilisation, depuis des siècles, en peinture1? Nuage donc, mon beau souci. « Oui, manifestement, les nuages se voient dans tous les films de Renoir, de Bergman et de Van Sant, le signe d'un cinéma ouvert sur les incertitudes ». Un rôle important chez ces trois cinéastes singuliers.

Dans Psycho, son remake du film de Hitchcock, Gus Van Sant (conçu, si on en croit le réalisateur « arty », comme une blague faite aux studios en couleur) n'hésite pas, dans la célèbre scène de la douche, d'ajouter entre deux plans de Marion Crane sous l'eau et recevant un couteau dans le corps, un plan de nuages. Autre clin d'œil en guise d’hommage à Hitch, le corps nu de Marion en plongée, vu de dos. Un plan que Hitch avait tourné et qu'il a enlevé au montage, à la dernière minute, de peur que la censure ne refuse le film.

Il y a plein d'autres choses que nous vous laissons découvrir sur les récits éclatés, les motifs, les mélanges d'images, les oscillations temporelles, le goût des faits-divers (la causalité aléatoire de Elephant ou Last Days) dans l'œuvre de Gus Van Sant. On vous le signale.

(1) Sur le sujet, consulter, Théorie du nuage - Pour une histoire de la peinture d'Hubert Damisch, éditions du Seuil.

Gus Van Sant, le cinéma entre les nuages, d'Edouard Arnoldy, éd. Yellow Now, coll. Côté cinéma.