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Holy Rosita de Wannes Destoop

Publié le 19/01/2024 par Quentin Moyon / Catégorie: Critique

Ostende. Les vagues, liquide amniotique de notre Terre, s’abattent sur les travées de pierre. Les embruns de la mer embaument les déambulations sur le remblai bétonné de cette cité balnéaire, qui ne sort de sa torpeur que l’été venu. C’est l’image qu’on pourrait attendre de la ville à l’écran. Mais ici, pas de mer. Rien de romantique au contraire. Les alcôves sont de bitume gris, décor des passes que Rosita fait pour de l’argent et pour de l’attention. Des corps qui passent sous ses mains, qu’elle masse, et qui lui donneront bientôt un enfant. Et si l’éclaircie venait de ce nouveau-né ? 

Holy Rosita de Wannes Destoop

Baignée par une douce lumière, la « Reine des plages » se fait dans le premier long métrage de Wannes Destoop, le berceau d’une (re)naissance. Jeune femme-enfant ronde et enjouée, jugée irresponsable par son entourage, Rosita rêve de donner la vie. Sa voix, son choix ! En gardant secrète sa grossesse, Rosita s’affirme. Issue d’un milieu social compliqué et très paternaliste, croulant sous les dettes, ce désir maternel est (paradoxalement) pour elle, un désir d’autonomie. 

Par la transformation de son corps, on observe un empowerment de la jeune Rosita, qui ne laisse pas indifférent. Si les violons se font parfois trop stridents, pouvant présumer de la maladresse du premier long-métrage, on aperçoit déjà se dessiner au large, les obsessions de Wannes Destoop : une réflexion autour des liens du corps et de l’esprit. Une thématique qu’il développait déjà dans sa série Albatros, brillante fiction tragicomique sur la grossophobie, qui s’était vue récompensée du prix Europe de la meilleure série télévisée européenne de fiction en 2021. Ou bien dans son court métrage Swimsuit 46 (Badpakje 46), qui a remporté le prix du jury à Cannes en 2011 et qui mêlait là aussi corps (rond) et esprit (aiguisé). Avec Dries Delputte à l’image, fidèle collaborateur du cinéaste, l’image ne se fait jamais oppressante. Comme un appel à respirer, à prendre du recul, à s’évader de ces prisons sociétales qui nous brident. 

Et le choix au casting d’une inconnue, Daphné Agten, est on ne peut plus raccord avec cette idée qu’il est temps d’écouter ce que les voix que l’on entend que trop rarement, ont à nous dire… l'occasion, si vous prêtez l’oreille, de percevoir au loin les bruits de la mère, Rosita, qui fera à Ostende, l’ouverture du festival.

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