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Il est grand temps de prendre la comédie au sérieux !

Publié le 25/11/2021 par Kevin Giraud / Catégorie: Événement

Mardi 9 novembre 2021. Alors que le festival international de la comédie de Liège bat son plein et que les rires fusent dans les salles, à la Grande Poste, on rit jaune. Non pas que l'audience ou les convives soient moroses, mais l'on sent, derrière les sourires, un constat amer. Où se trouve la comédie dans le cinéma belge d'aujourd'hui?
À la recherche du rire perdu, compte rendu d'une rencontre avec un panel de professionnels du cinéma de chez nous et d'ailleurs, invités et accueillis par Philippe Reynaert.

Il est grand temps de prendre la comédie au sérieux !

D'emblée, un constat. Ou plutôt des constats, à coups de chiffres. La comédie vend, la comédie déplace, la comédie conquiert le public. En farfouillant dans les colonnes du box office français, à défaut de bénéficier de données belges récentes, on voit sans difficulté la forte présence du genre dans les plus grosses recettes du cinéma francophone. Et de fait, quand on pense aux grands succès populaires du cinéma belge, de C’est arrivé près de chez vous à Dikkenek, ou plus récemment Mon ket ou Eldorado, la comédie est bien présente, aux côtés du cinéma d’auteur et des figures de proue bien connues de notre paysage cinématographique francophone.

De l’autre côté de la balance, Philippe Reynaert questionne par contre la diminution constante de la part des films soutenus par le CNC que l’on peut qualifier de comédies. Alors que plus de la moitié des films pouvaient être considérés comme tels en 2010, en 2018 ces productions n’en représentaient plus que 23%, parmi les 66 projets sélectionnés.

Manque de talents ? Loin s’en faut. Fils de plouc récemment, ou Une vie démente tous deux remarqués à l’internationale, prouvent avec plus ou moins de finesse mais tout autant d’inventivité que la comédie belge francophone à de beaux jours devant elle. Il ne reste plus qu’à convaincre les commissions, conquérir les producteurs, et ramener les financements. Virginie Nouvelle, directrice de Wallimage, et Bastien Sirodot, CEO d’UMedia, confirment leur intérêt pour ce type de dossier, pourvu qu’ils soient bien ficelés.

Manque d’intérêt du public ? Que du contraire. Stanislas Ide, chroniqueur RTBF et partenaire sur le projet Belgorama, souligne les succès récents de Baraki en série, ou Kaamelott récemment dans les salles obscures outre-Quiévrain. La complexité et le défi de la comédie belge, c’est de justifier son statut d'œuvre culturelle à part entière, au même titre que les sélections cannoises belges, aux résultats parfois tristement plus maigres en exploitation.

Qu’est-ce qui coince alors ? Vincent Roget, producteur, et Fadette Drouard, scénariste, pointent deux pistes. D’une part, la comédie est un genre difficile, complexe, bien plus que le drame. “Un drame raté reste une tragédie, mais une comédie ratée, c’est tragique”, autant pour un cinéaste que pour un producteur. De l’autre, le statut marginal de la comédie en tant qu’objet d’étude cinématographique entraîne une méconnaissance, un manque d’intérêt des créatifs et des préjugés accrus des commissions de sélection, moins enclines à soutenir ce type de projets.

Une solution ? Plutôt des pistes multiples. Réapprendre à lire, écrire et voir le cinéma comique dans les écoles. Parce que Star Wars est un objet d’étude aussi pertinent que Rosetta. Enfin, donner aux autrices et aux auteurs les moyens de leurs ambitions. Car une belle comédie, plus encore qu’un drame, se travaille en écriture, en échanges, en partage d’intelligence plutôt qu’en bataille d’ego auteur-producteur. Enfin, à coups de chiffres qu’il est primordial et nécessaire de réintroduire comme paramètre fondamental de l’équation du cinéma en Belgique, démontrer l’intérêt et l’importance de la comédie auprès du public, cinéphiles comme amateurs de cinéma.

En deux mots, prendre (à nouveau) la comédie au sérieux en Belgique francophone, et lui redonner ses lettres de noblesse.