Il existe des parcours qui font rêver et en parlant de parcours atypiques, celui de Bouli Lanners est à épingler. Passage éclair à l’Académie royale des beaux-arts de Liège, petits boulots par ci, par là, les Snuls, et Bouli devient un super acteur et un super réalisateur primé de tous les côtés. Il tourne avec Van Dormael, Zidi, Mariage, Jeunet, Kervern et Délepine, Liberski, Audiard, Dupontel, Ducournau, Blier, Benchetrit, Moll pour ne citer qu’eux. Mais, ce personnage emblématique reste fidèle à son fief liégeois où il habite avec son épouse Élise Ancion, costumière. On les croise en bord de Meuse, sur la brocante de Saint-Pholien le vendredi matin, Bouli et Élise font partie du décor et ils en sont fiers de cette cité ardente.
Un petit soir au Théâtre de la Couverture Chauffante
L’année dernière, Bouli a décidé, avec sa femme, d’ajouter une corde à son arc, une tringle à ses doigts. Les parents d’Élise, Françoise et Jacques Ancion avaient créé le théâtre de marionnettes liégeoises Al Botroûle en 1973. Plus de 150 marionnettes à tringle peuplaient ce petit théâtre liégeois et au décès de son père, Élise a hérité de Tchantchès et Nanèsse et de tous leurs comparses qui ont parcouru le monde pendant une quarantaine d’années. Bouli et sa femme les ont restaurées avec soin, nouveaux costumes confectionnés par Élise, un peu de rouge aux joues pour remonter sur scène.
C’est à côté de chez eux, dans un petit relais à chevaux du 19e, sous un arbre majestueux, qu’ils ont construit leur petit théâtre de 29 places. Ambiance chaleureuse, tamisée, peket prêt, tout le monde se serre pour crier à tue-tête « Tchantchès !Tchantchès !Tchantchès ! ». Tchantchès, c’est François en wallon, le héros national né entre deux pavés du quartier d’Outremeuse, esprit frondeur, amateur de peket, nez rouge, personnage folklorique qui fédère parce que les Liégeois ont un peu tous du Tchantchès à l’intérieur.
Derrière le castelet d’origine, on trouve Bouli qui manipule, fait toutes les voix (des princesses aux rois en passant par les ouvriers liégeois), Elise qui fait tous les costumes et qui passe les marionnettes à son mari et un plankêt, c’était André Pasquasy ce coup-ci qui roulait le tambour et qui bruitait. En toiles de fond, les anciens décors réalisés par Pierre Kroll dans les années 1980 pour le théâtre Al Botroûle et les nouveaux de Jean-Philippe Stassen. Les histoires, c’est Bouli qui les invente en s’inspirant à la fois de l’Histoire et de la tradition.
Pour le premier spectacle de cette saison (1000 places parties en 15 minutes, faut être au taquet !), Bouli raconte l’histoire du Menuisier des Carpates. On se plonge en 1549 en Moldavie, le roi Vaclav est mort et il faut quelqu’un pour lui succéder. Il a trois fils, mais c’est mal barré : le premier, Stanislas est malade, le second Pélouchine a été tué par les Haïdouks et le troisième Louis-Georges dit le boucher (dans la marionnette liégeoise, le Moyen-Âge côtoie l’aujourd’hui) est plutôt un sale type. Pour prendre le trône, il doit épouser Stella, la princesse de Valachie, mais elle est moyen convaincue, elle qui préfère l’art et la poésie, elle se retrouve nez à nez avec un type qui ne jure que par les ingénieurs… Pour séduire la fille, Louis-Georges va faire venir des menuisiers liégeois, dont Freddy Tilkin qui se retrouve embarqué dans une histoire familiale un peu louche… Va-t-il tenir le coup ? On rit gras, on sourit, on a de l’empathie pour ces petits êtres de bois.
Ce soir-là, il y a avait même des Parisiennes dans la salle, c’est qu’on en fait du chemin pour voir les marionnettes liégeoises. Cette saison est complète, mais soyez prêts le 3 janvier 2025 à minuit, les places pour la 2e partie de saison seront mises en ligne. Rien de tel pour commencer l’année en beauté. Venez avec vos grands enfants, venez redécouvrir le wallon et cette belle tradition.