Cinergie tenait à faire un bref retour sur cette 43e édition du BIFFF, durant laquelle notre jury dédié aux courts métrages belges a remis son prix à De Leider Komt, de Michiel Geluykens et Manuel Janssens.
Vous pouvez également retrouver nos critiques : Else (de Thibault Emin) et U Are The Universe (de Pavlo Ostrikov).
BIFFF 2025 : 43e édition

Du côté belge, ou plutôt belgo-marocain, le festival a également accueilli Atoman, d’Anouar Moatassim, décrit comme « le premier film de superhéros marocain » et réalisé pour démontrer, selon un bon mot du réalisateur, « que les Marocains ne volent pas dans les poches, mais dans les airs ». Une production aux effets spéciaux réalisés en Belgique, au ton délibérément naïf et old school, qui s’applique à reproduire les schémas des films américains du même genre tout en restant ancré dans les mythologies locales. Son héros, Hakim (Lartiste), flanqué de son complice Tahar (le comique de service, joué par notre compatriote Morade Zeguendi) et de la belle Sanaa (Sarah Perles), doit empêcher un cataclysme provoqué par deux méchants hauts en couleur incarnés par Doudou Masta et Samy Nacéri, qui s’amusent beaucoup dans un concours de cabotinage… La devise du héros : « bienveillance, loyauté, droiture, courage ». Voilà pour le programme de ce pari audacieux. Si le film n’est, à notre humble avis, pas totalement abouti, une suite est néanmoins déjà en chantier…
Nous avons également assisté à la masterclass de Danny Boyle, une conversation de deux heures avec le journaliste Ruben Nollet, au cours de laquelle le cinéaste anglais, détenteur de l’Oscar du Meilleur Réalisateur pour Slumdog Millionnaire, est revenu sur son parcours, particulièrement sur la fabrication de ses films appartenant au fantastique, à la science-fiction ou au thriller (Shallow Grave, Trainspotting, A Life Less Ordinary, 28 Days Later, Sunshine, Trance), y compris 28 Years Later, qui sortira chez nous le 18 juin prochain et dont il nous a proposé, en première mondiale, la nouvelle bande-annonce. Évoquant avec humour son passé punk, ses débuts à la télévision, son abandon du projet Alien 4 (finalement repris par Jean-Pierre Jeunet) et ses choix de mise en scène, Boyle nous a surtout mis l’eau à la bouche pour sa nouvelle trilogie qui prolonge son fameux film « d’infectés ».
Si l’on peut applaudir la présence d’invités prestigieux (Christophe Gans et Christophe Lambert étaient aussi de la fête), l’humeur cette année était parfois au doute quant à la concrétisation d’une 44e édition en 2026 - Jonathan Lenaerts (co-directeur, organisateur et communication manager du festival) lançant même un « à l’année prochaine, sinon… adieu » lors de la cérémonie du palmarès. La communication de dates pour la prochaine édition semble néanmoins avoir rassuré tout le monde ! Mais comme nous le disaient plusieurs abonnés fidèles au festival depuis plus de 25 ans, le BIFFF gagnerait sans doute grandement à voir sa programmation plus ramassée - peut-être seulement sur une semaine et dans une seule salle, avec moins de films, surtout moins de comédies n’ayant parfois qu’un rapport lointain avec le genre.
Cet écueil mis à part, revenons maintenant sur les temps forts de cette édition avec une sélection des sept meilleurs films ayant retenu notre attention.
Dans l’ordre de préférence :
-Twilight of The Warriors : Walled In (City Of Darkness) (2024, Soi Cheang – Hong Kong) Grand prix du Golden Raven… Le réalisateur de l’exceptionnel Limbo revient avec une nouvelle claque, une fresque entre reconstitution historique et film d’action qui rend espoir en l’avenir du cinéma de Hong Kong… En 1980, deux gangs se partagent Hong Kong : une triade dirigée par Mr. Big (le légendaire Sammo Hung) et un gang qui vit barricadé dans la citadelle de Kowloon (détruite en 1993), un immense bidonville à l’intérieur de la péninsule. Comme dans Limbo, c’est avant tout le décor qui impressionne ici : un enchevêtrement labyrinthique interminable de petites rues et d’escaliers qui forment une imprenable forteresse de béton. Soi Cheang nous gratifie de scènes d’action toutes plus folles et dangereuses les unes que les autres, mais aussi d’une jolie histoire d’amitié masculine et d’une grosse dose d’émotion. Dans le genre, c’est un petit chef-d’œuvre !
-The Ugly Stepsister (2025, Emilie Blichfeldt – Norvège / Danemark / Roumanie / Pologne / Suède) Prix Silver Raven et Prix du Public… Une étonnante (et souvent hilarante) relecture de l’histoire de Cendrillon en version body horror, plus proche de la version de Téléphone que de celle de Disney. Pour être la plus belle au bal et séduire le prince (une pâle ordure), Elvira (Lea Myren) se fait violemment rafistoler le portrait au marteau et au burin pour être présentable, puis avale un œuf de ver solitaire dans l’espoir de rester mince. Critique acerbe des diktats de la beauté féminine, cette farce malsaine, d’une beauté plastique folle, se conclut dans des délires gore très inventifs (qui ont rendu malades des spectateurs de Sundance, mais pas ceux du BIFFF !).
-The Wailing (Les Maudites) (2024, Pedro Martin-Calero – Espagne / Argentine / France) Mention spéciale du jury Emerging Raven… Un angoissant film de fantômes, probablement le film le plus effrayant projeté cette année, raconté sur plusieurs générations de jeunes femmes sujettes à une malédiction : celle d’un vieil homme détestant les femmes, croquemitaine invisible qui n’apparaît qu’à travers l’objectif des caméras et appareils photo. Le monstre hante un bâtiment que l’on retrouve à l’identique à Madrid, en Espagne, et à La Plata, en Argentine… Co-écrit par Isabel Peña, collaboratrice habituelle de Rodrigo Sorogoyen, et interprété par trois jeunes actrices épatantes (Ester Exposito, Malena Villa et Mathilde Ollivier), The Wailing est un thriller oppressant et d’une efficacité rare.
-The Rule of Jenny Pen (2024, James Ashcroft – Nouvelle-Zélande) Prix du Black Raven… Victime d’un AVC, Stefan (Geoffrey Rush), un vieux juge érudit dont les capacités mentales s’étiolent, est placé dans un hospice qui semble avoir ses propres règles. Plus précisément, celles de Jenny, une poupée posée sur la main d’un vrai tortionnaire : Dave (John Lithgow), ancien infirmier de l’établissement devenu lui-même résident, qui persécute, effraie et manipule psychologiquement en toute impunité les vieillards les plus fragiles. Mais pourquoi est-il si méchant ? Parce que !… James Ashcroft filme un mémorable duel entre deux géants du grand écran, sous la forme d’un thriller très cruel, qui verse parfois dans l’horreur pure. Déjà habitué aux rôles d’ordures (Blow Out, Cliffhanger, Dexter), Lithgow compose ici un méchant d’anthologie, qui fait réellement froid dans le dos.
-The Assessment (2024, Fleur Fortuné – Royaume-Uni / Allemagne / USA) Dans un futur proche, notre société est ravagée par le changement climatique et gangrénée par la famine et des pénuries en tous genres. La procréation, strictement limitée, n’est désormais autorisée qu’après un processus de sélection drastique. Le couple formé par Elizabeth Olsen et Himesh Patel accepte (à contrecœur) de recevoir chez eux la visite d’une « assesseure » (Alicia Vikander) qui, au terme de sept jours de tests (elle joue notamment au bébé), déterminera s’ils sont aptes à mettre un enfant au monde. Entre science-fiction, dystopie et comédie burlesque, c’est aussi un déchirant portrait de femme (Alicia Vikander, exceptionnelle, nous livre une performance aussi bizarre qu’inattendue). Ce premier film de Fleur Fortuné est une réussite en forme de signal d’alarme, qui, dans un monde parfait, vaudrait à ses deux têtes d’affiche féminines une flopée de prix d’interprétation.
-Handsome Guys (2024, Nam Dong-hyup – Corée du Sud) Remake asiatique du fameux Tucker & Dale vs. Evil (2010, d’Eli Craig), Handsome Guys en reprend l’histoire et la formule à la lettre : deux gentils péquenauds achètent une maison (hantée) complètement délabrée dans la forêt et sont pris, après une longue série de quiproquos, pour des tueurs en série par un groupe d'étudiants idiots. Leur seul crime : avoir une mine un peu trop patibulaire pour les gens de la ville. Un malentendu qui va entraîner tout ce petit monde sur une pente sanglante !… Truffé de gags « slapstick », de situations de comédie de boulevard, d’effets gore et de visions bizarres (une chèvre possédée par le Malin), Handsome Guys, comme son modèle, ressemble à du Sam Raimi des grands jours. Cette irrésistible comédie fut l’un des films les plus applaudis du public.
-A Girl with Closed Eyes (2024, Sun-Young Chun – Corée du Sud) Prix Emerging Raven… Un écrivain à succès est abattu dans sa villa après une séance de dédicaces. À leur arrivée, les policiers trouvent Min-joo (Choi Hee-Seo), qui passe immédiatement aux aveux, en affirmant que le roman est basé sur son propre enlèvement, survenu il y a 20 ans. Elle n’accepte de parler qu’à une policière de Séoul (Minha Kim). Très vite, on se rend compte que les deux femmes se connaissent et que ce meurtre n’est que l’arbre qui cache la forêt… Magnifique polar désespéré, dans la lignée de Memories of Murder, A Girl With Closed Eyes fait le portrait de deux femmes brisées et évoque la notion de sacrifice tout en critiquant les violences faites aux femmes, mais aussi les dérives de la presse et de la célébrité… Probablement l’un des meilleurs films coréens de ces dernières années.