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Improviser le cinéma de Gilles Mouëllic

Publié le 10/10/2011 par Jean-Michel Vlaeminckx / Catégorie: Livre & Publication

 

L'ère du parlant au cinéma a démarré avec Le Chanteur de Jazz. La connivence entre la musique de Jazz et le cinéma s'approfondit dans des films comme l'Homme au bras d'or d'Otto Preminger via Duke Ellington ou Ascenseur pour l'échafaud de Louis Malle dont Miles Davis compose la partition.

À la fin des années 50, influencé par le be-bop, (le style rapide du jazz de Charlie Parker), John Cassavetes, en réalisant Shadows, élabore l'improvisation au cinéma : pas seulement comme une technique du théâtre vivant, mais aussi comme une forme d'images, proche du free jazz, un style dans lequel le scrolling (improviser, se balader) est préféré au swing (un son jugé trop linéaire). Cassavetes confie la musique de son film à Charlie Mingus et Shafi Hadi dont les expérimentations dans le Jazz Workshop donneront le même rythme au film que les improvisations des acteurs. Mais la discontinuité comme forme, à travers les disciplines d'improvisations s'accompagne aussi dans l'esthétique du free-jazz à une contestation politique. (1)

Après un premier livre, Gilles Mouëllic revient sur le rôle de l'improvisation, une thématique qu'il explore et approfondit en y ajoutant beaucoup d'autres cinéastes. L'évolution des techniques de prises de vues et de prises de son avec un matériel de plus en plus léger permet de développer l'impro. Mouëllic ajoute à ce critère que le cinéaste improvisateur ne cherche pas à dominer une œuvre achevée, mais une œuvre ouverte, partant d'une ébauche à la manière du travail d'un workshop littéraire ou jazzy. De même, l'auteur s'intéresse à la pratique d'un jeu qui peut révéler des formes inédites et permet, via les traces d'arabesques de corps vivants, de bousculer les chemins tracés ou le formatage.

Johan van der Keuken (cité par Mouëllic) affirme : Je suis un cinéaste qui improvise. Pour moi, improviser, cela existe aussi pour les images. Pour moi improviser et ne pas improviser constitue une opposition plus importante que, par exemple, documentaire et fiction ».

Cinq chapitres (de Jean Renoir à Pascale Ferran en passant par Jean Rouch) et vingt pages d'arrêts sur images sur des films dont l'auteur nous parle et qui illustrent ses propos, de Phantom Lady (Robert Siodmak) à Un couple parfait (Nabuhiro Suwa) en passant par Cuivres débridés de Johan Van der Keuken. Une œuvre parfaite sur le couple jazz et cinéma.

(1) Lire Free Jazz/Black Power de Jean-Louis Comolli et Philippe Carles in Folio/poche. Lire aussi le texte de Comolli (Passages du Jazz au cinéma) dans un numéro spécial des Cahiers du Cinéma intitulé : Les Musiques au cinéma (1995)

(2) Jazz et cinéma, éditions Les Cahiers du Cinéma, coll. Essais.

Improviser le cinéma de Gilles Mouëllic, éditions Yellow Now-côté cinéma.